mercredi 19 avril 2017

Road trip et brocante

Monsieur Yvan, il remplit sa maison de meubles qu'il remplit de vaisselle antiques, de cendriers à ma grand-mère, d'outils ancestraux, de verres qui ont bu beaucoup, de vieux téléphones lourds, de boîtes de métal pis de couteaux de bouchers morts depuis ben longtemps.

Monsieur Yvan, il fait les meilleurs prix,  parce que monsieur Yvan, c'est pas un antiquaire.
Y vend juste plein de vieilles affaires,
des vieilleries.
Il brocante du vieux pas parfait mais avec plein d'histoires en arrière.
Ses meubles ont une vie, un récit.

Chez monsieur Yvan, c'est pas fini. 
C'est tout croche pis faut se frayer un chemin entre les établis, 
passer en-dessous des chaises qui garnissent le plafond 
pis éviter de s'enfarger dans les vieux bâtons 
de hockey pis les machines à écrire qui ont beaucoup trop écrit.
Chez monsieur Yvan, ça sera jamais fini.
Ça va toujours sentir le banc de scie.
Pis la cigarette un peu aussi.

Mais chez monsieur Yvan qui brocante, ce qui est certain, c'est que les objets ont une vie. Pis il la raconte avec du brillant dans l'iris, à qui fait sonner sa petite cloche à l'entrée,  
même à Noël, à l'année.
Même à Pâques.

M. Yvan n'antique pas, il brocante.




mardi 14 février 2017

Adieu, char mart


Mon cher char mart virgule

Alinéa On en a fait, du chemin, toi et moi. T’en as vu, des bouts de ma vie. Mais là, t’es MART!!! (Oui, oui, lecteur ahuri, je CRIE en majuscules, le moment est grave!) C’est pas toi, qui vas venir avec nous en Gaspésie cet été!!!! C’est pas toi qui viendras nous porter à l’aéroport!!!! C’est pas toi qui iras chercher les enfants à l’école, le soir!!!! NON, PARCE QUE TU ES MART! …Très mart. Trop maaaaart. (Le ton est plaintif, tu l’entends, lecteur compatissant?) C’est un autre qui nous entendra chanter du Mumford & Sons. Hurler un peu, j’avoue. Fort. Un peu fort des fois. C’est un autre que toi qui portera ma planche jusqu’à la rivière. C’est dans un autre char que les enfants laisseront trainer des graines de muffins, des billes, des bouteilles d’eau, des cailloux, des lunettes fumées, des tites autos, des papiers de bonbons, des pelures de bananes et des cartes douteuses d’un jeu de Pokemons dont je ne comprends pas les règles. Ce ne sont plus tes oreilles qui entendront l’exaspération de ma fille pour son frère et les grandes émotions de mon garçon.  Ben non!!! Parce que t’es MART, merde! 

Changement de paragraphe

Alinéa D’ailleurs, j’ai déjà commencé à te remplacer. J’en ai vu des plus jeunes. J’en ai vu des plus forts. Mais ils ne sont pas comme toi! Ils n’ont pas une belle ti poque cute sur le bord du bumper parce que j’avais un peu accroché le char de mon père. Pis une en avant parce que j’avais un peu avancé dans un stationnement au lieu de reculer. Ils n’ont pas tes joyeux caprices de givre dans les fenêtres ou de porte qui s’ouvre et se ferme seule selon la pente dans laquelle je t’ai stationné. Non. Les autres, les portes ferment à la perfection. Mais les autres, ils n’ont pas vu les huit dernières années de ma vie. Les voyages à Gougounequit, dans Charlevoix, à Montréal, en Beauce, à Pont-Rouge, à Tadoussac, pis en Gaspésie. La naissance de mon garçon et les premiers mots de ma fille. Les autres, ils ne sont pas toi. (Parce toi, t’es MART viarge!) 

Changement de paragraphe, encore

Alinéa Mais t’en fais pas pour moi. J’accepte ta mart avec zenneté et une veine d’éclatée dans le cou. Et je serai heureuse à nouveau. Crois-moi. Avec un autre cette fois. Un char pas mart. Un vivant! Un qui m’amènera sur les chemins d’été. Défiant le soleil et l’immensité. Pis checke-moi ben l’aimer. Pis le laver, lui. Des fois. Au moins une fois tous les deux ans, promis. Juré. Craché. Et lorsque mon fils lui aura botté un ballon de soccer dans les dents, que ma fille l’aura barbouillé de ses doigts dans les fenêtres et que j’aurai inondé le porte-gobelet de café brûlant, je saurai qu’il fait partie de la famille. Malgré les bisbilles d’enfants.  Parce qu’il sera imprégné de nous comme tu l’es présentement.  Je t’en veux un peu, que tu sois MART sans avertir, sans crier GARE, char mart. Je te laisse partir puisque c’est ce que tu désires. Ton suicide laissera des traces indéniables, indélébiles. Dans mon portefeuille. Et dans mes souvenirs. Il est temps que j’essaie de clore, char mart! De passer à une autre histoire. J’irai pas te voir à la cour à scrap, c’est mieux pour nous deux.

Pis pour cette image de toi que je garderai en mémoire.

Parce que là t’es mart, char mart.

Veuille agréer, mon cher char mart, mes salutations les plus sincères.

Ta pu fidèle et endeuillée propriétaire,


Marie-Luce Higgins



samedi 31 décembre 2016

Les craques du trottoir

L’humain a la superstition facile. Il cause à effet pis après, il croit qu’il sait. Il s’attribue du contrôle. Pour l’espoir. Pis il se persuade qu’il influence, qu’il peut prévoir.  Il se règlifie le quotidien, le vocabulaire pis se ritualise le sport. Pis il se convainc qu’il a du pouvoir. Ça commence souvent par les lignes du trottoir, les trèfles à quatre feuilles, les dessous d’échelles pis les chats noirs. Pis le cassage de miroirs. Pis ça évolue différemment selon le sexe que t’as.

Si t’es une fille, tu vas fort probablement faire des vœux. Les filles font des vœux à 11h11 surtout, à 1h11, à 2h22, à 3h33, à 4h44, à 5h55 pis à 12h34 si elles sont vraiment wild. (Pas toutes, c’est vrai, lectrice athée de la superstition, je sais. Mais plusieurs. Arrête de t’insurger pis de crier au sexisme pis au stéréotype pis à l’égalité de la femme, là, on généralise rienque!) Faque les femmes, elles voeutent. Pis elles le choisissent avec soin, leur vœu. Pis sérieux : SÉRIEUX! Elles ne vous confieront JAMAIS leur vœu. Même sous la torture. Parce qu’en plus, elles font presque toutes le même chaque fois depuis qu’elles ont l’âge de voeuter, faque faudrait toujours ben pas leur gâcher leur vieux voeu! Parce que formuler un vœu, ça prend du doigté : ne formule pas un vœu qui veut! Il doit être général, mais précis, réaliste mais pas trop. Pis il doit être complet. Sinon ça se peut qu’il se réalise tout croche parce que t’auras pas précisé qu’il doit être célibataire, l’homme de ta vie, tsé.

Je peux te l’écrire à toi, lecteur impudique, moi je fais le vœu de gagner 25000$ depuis quelques années déjà. Pis je ne me gêne plus, fuck les règles du vœu, je le scande même tout fort à la serveuse quand elle me demande, à la fin du repas, si je prendrais autre chose.

Les gars, ils font pas ça, eux, des vœux. Non. C’est pas viril, les vœux.
 
Ce qui est viril, c’est de porter son chandail d’équipe pendant les séries, coûte que coûte, peu importe son état visuel et olfactif. Pis se faire pousser la barbe. Pis frencher son bâton de hockey avant une game, ça aussi, c’est foutument viril. Pis parler à ses poteaux. Pis aligner ses bouteilles d’eau. Faire des vœux, stie que c’est puéril. Mais avoir un numéro fétiche, des bobettes fétiches, une couleur fétiche, s’habiller dans un ordre précis pis cogner au plafond du char sur les lumières jaunes pour gagner 30 minutes de sexe, ça, ÇA, c’est cruellement mâle.

Par contre. Mais. Toutefois!

Il y a UNE superstition qui nous réunit. Qu’on répète inlassablement. Avec laquelle personne ne s’obstine. Une superstition qu’aucun gars viril et aucune fille puérile n’a envie de contredire. C’est une belle superstition, qui réunit au lieu de diviser. Qui relie. Qui noue. Qui nous unit. Celle qui nous force à se partager l’œil quand on partage déjà du temps, des rires,  une table pis des rhumes. Tu sais déjà de quelle superstition il est question, lecteur éveillé, et avoue qu’il ne te viendrait jamais à l’idée, à cause des conséquences dramatiques, mais aussi à cause de la beauté du geste, d'éviter de regarder l’iris de ceux avec qui tu lèves ton verre!

Faque je te lève le mien, lecteur festif, en te regardant la couleur de l’œil et en faisant le vœu que tu sois heureux grâce à et malgré ce que le gars des vues te garoche sur le chemin. De voir le beau même dans le croche. De vivre de la couleur, tout plein. Pas juste pour 2017. Pour 2018. Pis 2019. Pis 2020. Pour toujours. Ne jamais voir que le noir. Jamais, jamais.

Cheers!!!

Pis j’touche du bois.





mardi 13 décembre 2016

Si j'étais un homme...


Parce que parfois, c'est ma chum Manue Babin qui s'inspire de nos soirées pour trouver des mots mieux que les miens, voici les siens...

C’était un samedi embrumé. Une amie, un coin de bar, un verre de blanc; le nécessaire pour refaire le monde, pour se mettre à jour. On se raconte nos amours, nos histoires sans lendemain, ou celles de la veille qui ne finissent plus, des baisers échangés avec un étranger, la séduction, la solitude. On parle des hommes, parfois des femmes, des deux ensemble ou de comment s’en passer, du vide qu’ils peuvent laisser. « On ne nait pas femme, on le devient, disait Simone, et pour y arriver, le chemin est parsemé d’embûches. » Et nos verres se vident,  et nos propos s’emballent. On devient de plus en plus Simone.

- Si j’étais un homme, je saurais quoi faire avec une femme. 

- Ah oui, si t’étais un homme, tu ferais quoi avec une femme?
- Je lui ouvrirais la porte, l’aiderais à mettre son manteau, je la trouverais belle matin midi et soir sans son maquillage, les cheveux sur un ring de boxe. Je regarderais le fond de ses yeux, tout le temps. Je ferais en sorte qu’elle se sente unique et exceptionnelle à chaque instant. Je lui prendrais la main en marchant, je l’aiderais à descendre de l’auto, je lui achèterais des fleurs et lui écrirais des poèmes avec des rimes en é…c’est plus facile. Si j’étais un homme, je serais fort, vrai, grand et tellement beau. Je pisserais mon nom dans la neige pis je paierais des verres aux filles qui se font belles pour sortir.

On a sorti la galanterie du bunker et on l’a remise sur la table en se demandant quand et pourquoi on l’avait mise là. C’est réellement quétaine d’ouvrir une porte et de regarder passer une femme qui a les bras pleins? La femme a voulu se libérer, qu’elle vole, on ne lui mettra plus son manteau? Ces questions sont restées sans réponse puis on a pris la route pour changer d’air, qui était un peu froid en ce soir de novembre. En chemin, quelques compliments lancés avec politesse nous ont redonné foi en l’humanité et confiance en nous. C’est donc pleines d’assurance qu’on a continué cette conversation sur un autre coin de bar avec un cocktail de fille… je sais, c’est cliché et très sucré, mais c’est toujours une bonne entrée en matière. Ah! pis on est des filles ou on l’est pas!

Rêvassant d’être quelqu’un d’autre, on a laissé le cocktail nous glisser entre les dents. La place était remplie de garçons, tous plus beaux les uns que les autres. À leurs côtés, des filles qui s’ennuient à mourir pendant que nous, on rigole à pu finir.

On s’est fait payer un verre parce qu’on s’était quand même mises belles pour sortir. Un verre de blanc, meilleur et plus doux, moins sucré, plus léger. Et on a retourné la question à celui qui avait fait un homme de lui. Et toi, si tu étais une femme, tu ferais quoi ?

- Je serais danseuse parce que c’est payant en estie!

- Être une femme, dit l'autre, je me ferais belle, je me laisserais payer des verres et rentrerais seule. Je profiterais de ce pouvoir de séduction pour faire tourner les têtes sans faire bouger les cœurs. Je serais une agace, une solide agace qui dit toujours non. Une aguicheuse, une coquine allumeuse, une manipulatrice.

Je vide mon verre d’un trait, m’étouffant presque avec la dernière gorgée qu’on venait de m’offrir et je commande une autre bouteille. Je remplis mon verre puis celui des autres assis autour de cette discussion qui prend des airs de jupette trop courte et de nom jaune pisse dans la neige; c’est cliché, presque vulgaire, mais intéressant.

Pour sauver la mise, le plus mignon des trois ose dire autre chose.

- Si j’étais une fille, ça ne changerait rien. Pour moi, le respect dans la relation reste la chose la plus importante. L’importance de se dire du vrai, de se laisser aller pleinement et d’être soi-même. Que tu sois fille ou garçon. 

Être soi-même, vraiment? Et moi qui rêvais justement d’être quelqu’un d’autre.

...
Pendant ce temps, non loin de là, une fille sans défense perd la face et toute envie d’aimer un homme. Son cri et sa douleur ont indubitablement dû déchirer la douceur de cette nuit de novembre, mais son appel à l’aide est resté accroché au vide. Sur elle : un homme, une main fermée, un poing sans amour, un bouquet de fleurs fanées, un poème qui ne rime pas en é. Elle s’était mise belle pour sortir, maintenant elle a juste envie de rentrer. Il lui a enlevé sa jupette et son estime d’elle-même. À la place, il l’a revêtue d’une violente envie de tuer. Il aurait pu lui faire l’amour, s’il avait été un homme, mais il lui a fait la violence. De toute sa puissance. Il lui a pris ce qu’elle avait de plus beau et de plus précieux; son envie d’être une femme. Pour lui : une histoire sans lendemain. Pour elle : un lendemain sale, buriné, gravé. Un maudit long lendemain. Elle, qui pourtant se disait, comme beaucoup d’autres : « Si j’étais un homme, j’ouvrirais la porte aux femmes, je leur prendrais la main en marchant… »

dimanche 27 novembre 2016

Vraititude

Gars, t’es beau. T’es beau quand t’es vrai. Quand tu me montres la lumière et le sombre. Quand tu ne caches pas le laid et l’ombre. C’est là que tu es le plus beau. Parce que tu es fort. D’affronter mes yeux sur tes failles. Et parce que le maquillage, souvent, il y en a trop. Pis que ça donne un air fake, pis faux. Pis parce que c’est sans lui que t’es beau.

T’es beau, gars, quand t’as le regard franc. Quand tu me laisses mettre mes yeux dedans. Quand tu me regardes droit pis rassurant pis que t’as l’iris sûr de toi. T’es beau parce que c’est là que t’es toi.

T’es beau quand tu me vois être. Quand l’important, c’est pas de paraitre. Que ce ne sont pas mes cheveux ou mes yeux que les tiens dévisagent. Quand ce que tu lis, ce sont les pages. Le bagage. T’es beau quand tu t’crisses de l’image.

T’es beau, quand tu t’aimes. Avec tes déchirures pis tes coutures. Avec tes blessures pis tes ramanchures. Comme t’es. Quand tu t’assumes. T’es beau même si t’as pu toutes tes plumes. Parce que tu te laisses être. T’es beau comme t’es quand tu t’aimes.

T’es beau, gars, quand t’es toi. Fort. Vrai. Sans faux en dedans.




jeudi 8 septembre 2016

Si jamais...

Ma fille, mon garçon. Je sais, je vous ai appris les mots.
Et j'essaie même de vous enseigner les beaux.
Je sais, les enfants, je ne veux pas que vous soyez violents.
Mais cette fois, je devrai changer mon discours,
parce que des exceptions à une règle, il y en a toujours...
(croyez-moi!)

Si jamais mes yeux ne rient plus quand ils se réveillent. S'il fadissent, ternissent.
S'ils ne pleurent plus devant le beau, le grand, le triste.
Si jamais mes yeux pâlissent et ne voient plus les couleurs,
souffrent d'une myopie du bonheur.
Si jamais ils enlaidissent,
secouez-moi, les enfants, pour qu'à nouveau ils embellissent.


Si jamais je ne hurle plus avec vous les paroles de nos chansons préférées en conduisant
et que la musique ne joue plus à tue-tête pendant qu'on se cuisine nos repas.
Si jamais je ne danse plus avec vous à tout bout d'champ
et que mes pas deviennent lourds, pesants.
Si jamais le silence prend la place de nos chants,
les enfants, n'hésitez pas, bousculez-moi.


Si jamais je chuchote mes mots et qu'ils se font moins nombreux,
Que mes rires fusent moins forts et moins joyeux,
que mes gestes deviennent discrets et impatients.
Si jamais j'oublie que c'est la folie qui la rend belle, la vie, il faudra me frapper, les enfants.
Frappez fort, ne vous retenez pas.
Les enfants, ne soyez pas cléments.
Je veux un uppercut dans les dents.
Réveillez-moi.
Redites-moi, que la grisaille et le trop droit, ce n'est pas moi.

Promettez-moi, les enfants,
de me rappeler violemment qui je suis,
si jamais moi, je l'oublie.


mardi 1 mars 2016

Ce qui ne changera pas

Tu m'écris des mots d'amour que tu enfouis dans ton gros sac à dos trop gros pour ton petit corps de maternelle. Tu fais des coeurs autour pis tu ajoutes des étoiles parce que tu sais que je les aime. Tu me prends la main quand on mange, pendant le film pis quand on marche pis quand tu dors pis quand tu pleures trop. Tu t'habilles vite le matin parce que tu sais que je vais te dire à quel point je te trouve grand, pis beau. Tu préfères coller tes petits coeurs de St-Valentin sur mes joues que de les garder pour toi. Tu chantes pendant que tu joues au hockey parce que tu sais que j'aime ta voix. Pis tu mets du parfum qui sent le raisin pour que j'te croque les joues quand tu viens te coller sur moi.

Tu m'aimes fort, tit homme, tu me le dis tout le temps.
Je t'aime gros, tit gars. Pis gros c'est pas tout à fait le mot.
Tu me fais danser le coeur, t'es le seul, avec tes pucks, tes ballons pis tes tites autos.

Tu m'écris des mots d'amour que je garde précieusement. Ces mots-là se tairont bientôt même si le sentiment, je sais, restera. Tu fais des coeurs autour de tes mots et tes étoiles, je les ai gravées sur moi. Ta main, quand elle sera grande, je l'espère, prendra encore mes doigts, parfois. En attendant, j'enregistre des petits bouts de ta vie sur mon cellulaire, je capture le moment parce que je sais que l'enfance passe. Et pendant que tu dors encore, l'après-midi, à côté de moi, je mets mon nez dans tes cheveux et je respire l'odeur de tes cinq ans qui sent mille fois meilleur que ce parfum au raisin qui n'est qu'un prétexte pour te garder un peu plus longtemps dans mes bras.

Je t'aime fort, tit gars, pis gros pis intensément. Pis ça, c'est la seule chose qui ne changera pas avec le temps.






jeudi 31 décembre 2015

La fin du Perno

Juillet 2008.

La soirée est douce. Par la fenêtre ouverte de la voiture, on sent que la chaleur de la journée baisse un peu les bras pendant que toi, derrière, ce sont tes paupières que tu as enfin laissé tomber. L’air sent l’été, les feuilles, le gazon coupé, l’humidité, l’asphalte chaude et la peau brûlée. Le fleuve reflète les lumières des ponts, c’est beau. Et de l’autre côté, de petites lumières brillent. Celles de Lévis. Celles plus loin de l’île d’Orléans. Et j’ai hâte de te raconter que s’il y a de si petites lumières, c’est qu’elles éclairent les maisons de minuscules lutins. Pas plus hauts que toi. Qui dansent le soir. (Me semble que des lutins, c’est inévitable, ça danse le soir, non?)  J’ai hâte que tes oreilles soient assez grandes pour entendre un peu de magie. Que tes yeux brillent en imaginant les mots qui s’enchainent. J’ai hâte de t’inventer des histoires et qu’elles dansent dans ta tête comme du feu et qu’elles allument tes rêves et qu’elles vivent un peu. J’ai hâte que des traces d’oiseaux dans la neige deviennent des pas d’ogres nains mangeurs de bas dans la sécheuse. Que les coquillages aient servi de p’tit change à des sirènes. Que Georgette, notre amie imaginaire, ait dévoré tous les biscuits au caramel pendant la nuit.

En roulant sur Champlain, je ne sais pas encore qu’un jour, je jouerai à la fée des dents en  couvrant ma tête d’une doudou en guise de turban, question d’être un peu plus méconnaissable si tes yeux s’ouvrent, et mes pieds de gros bas pour éviter qu’ils fassent du bruit sur le plancher flottant. Je ne sais pas que je t’écrirai une lettre en son nom, un jour, parce qu’à ta cinquième dent, j’aurai oublié de venir porter les sous pendant la nuit. Je ne sais pas non plus que tu la garderas pendant des années sur la tablette à côté de ton lit et qu’il sera hors de question que je la jette. Je ne sais pas que je ferai comme des milliers d’autres parents et que j’imaginerai chaque soir, avant Noël, des mises en scène diaboliques de freaking lutins. Je ne sais pas que ton frère et toi m’entendrez, un soir, mettre du Saran Wrap dans la porte de votre chambre et que je mentirai en affirmant que je pliais du linge. Devant votre porte de chambre. Avec un fond de bruit de Saran Wrap, ben quoi, ça arrive souvent, ça!... Je ne sais pas encore que tu te souviendras, des mois plus tard, que ce sont eux qui t’avaient donné les cocons de papillons lune alors que je serai en train de raconter à une amie que c’est un gentil collègue de travail qui me les avaient fournis. Je ne sais pas qu’un jour, trop tôt, tu remarqueras que le cadeau du lutin est emballé du même papier que ceux que j’ai moi-même emballés et que tu me regarderas d’un air sceptique, sourcil droit relevé, quand j’inventerai que je les ai entendus prendre mon papier pendant la nuit.

Je ne sais pas, en ce soir d’été, combien de fois je me demanderai à quel moment je devrai arrêter de te raconter. De te mentir un peu. Je ne sais pas encore à quel point je préfèrerai cette lumière dans tes yeux à la réalité. À la vérité. Je ne sais pas qu’un jour, tu regarderas le Père-Noël en me chuchotant à l’oreille qu’il porte une fausse barbe. Je ne sais pas encore à quel point ça me rendra triste quand je te demanderai ce que ça veut dire et que tu répondras que c’est parce qu’il n’existe pas. Tu ne sauras pas, ce soir-là, à quel point je serai tiraillée entre te laisser vieillir et te garder encore un peu une enfant. Tu ne sauras pas à quel point j’aurai envie de t’inventer autre chose pour justifier la fausse barbe et le costume un peu délavé. Tu ne sauras pas non plus que ce moment représentera pour moi  le début de la fin de la magie. Une autre parcelle d’enfance qui s’envole, qui tombe comme ces petites dents que je garde pour toi dans une bouteille de pilules. Tu ne sauras pas ce que ça me coûtera de confirmer ta certitude vacillante en souriant et en te demandant de laisser ton frère y croire encore, lui.

Je ne sais pas encore. Parce qu’en ce soir de juillet,  j’ai juste hâte. Très hâte.


De te voir vivre ton enfance.







mercredi 2 décembre 2015

Bonheur facile

Charlotte a huit ans. Elle a de grands yeux étoilés et de jolies joues roses. Charlotte ne marche pas, elle gambade. Elle ne court pas, elle vole. Elle ne parle pas, elle s’exclame. Ses cheveux sautillent au rythme de ses pas légers. Elle aime faire des bonhommes de ketchup dans son pâté et respirer l’odeur de la forêt près de chez elle après que la pluie ait pleuré.

Charlotte aime regarder, le matin, les couleurs du soleil se transformer, se diluer et finir par s’estomper. Dans la fenêtre du deuxième étage, les nuages deviennent roses et orange et jaunes et bleus et mauves. Chaque matin, Charlotte regarde le ciel, comme si c’était la première fois,  se colorer, s’illuminer.

Charlotte aime les livres, les bonbons, les crêpes au chocolat et les crayons qui sentent bon. Elle aime le spaghetti à Mamie, l’odeur du feu, du gazon, des feuilles d'automne, des draps propres, des guimauves et du savon.

Charlotte aime les lumières de Noël, la musique classique, les pâtes blanches, le bruit des vagues, rire des blagues, la glace qui craque sous ses pieds et le hockey. Elle adore les roches, les coquillages, la lune, le sable et les étoiles. Surtout celles sur l’épaule de sa maman.

Depuis quelques mois, déjà, le papa et la maman de Charlotte n’habitent plus ensemble. Tout a changé, c’est vrai. Elle a maintenant deux maisons, deux chambres qu’elle partage avec son petit frère, un foyer où elle peut manger des guimauves chez son papa et un chat à qui elle lance des balles avec un grelot chez sa maman.

Charlotte a gardé, malgré tout, ses joues roses et son sourire, contagieux et doux. Et si Charlotte a le bonheur facile, c’est à cause de ses yeux. Ils regardent toujours le beau, le joli, le merveilleux. Le sucré, le brillant, l’adorable, le mieux. Le coloré, l’éblouissant, le lumineux. Et surtout, un peu de fou. Chaque jour, dans tout.

C’est à cause de ces étoiles qui habitent dans ses yeux que son bonheur la fait gambader. Celles qui brillent comme ce soleil qui, chaque matin, continue d’éclairer le même ciel en colorant de rose, d’orange, de jaune, de bleu et de mauve ces nuages qui ne font que passer.

Charlotte est riche. Riche d’une richesse que personne ne peut voler. Ses yeux sont un trésor que même la plus grande fortune ne pourrait acheter.


vendredi 28 août 2015

Celle qui fait pousser des enfants

Aujourd'hui, mon petit grand garçon quittait la garderie pour la maternelle et bientôt l'université. Il quittait, du même coup, la femme magnifique qui a pris soin de sa sœur et de lui depuis le tout début, il y a presque huit ans. Une femme éternellement jeune. Au cœur immense. Je n'avais pas vraiment les mots pour la remercier, ils devaient être grands. J'ai tenté ceux-ci, qui m'apparaissent encore trop petits :




Il y a ceux qui passent dans notre vie. Et ceux qui y entrent. Et y changent quelque chose. Et la rendent plus belle à force de faire partie du décor. Qui deviennent indispensables. Qui mettent de la vie dans la vie, pis des sourires qui n’en finissent plus de rire. Ceux qui y rajoutent de la musique, de la folie, tout plein, pis des yeux mouillés, pis des bras qui consolent pis des pieds qui dansent. Il y a ceux qui prennent de l’importance. Pis leur temps. Tout le temps. Il y a ceux qui aiment. Vraiment.



Et parmi eux, il y a elle.



Celle qui passionne. Celle qui rayonne. Celle qui sait si bien faire grandir les enfants. Qui les fait devenir grands. Celle qui trouve toujours le bon, la solution, la résolution. Celle-là même qu’on aime. Parce qu’elle a été là. Tant et tellement. Tout le temps. Parce qu’elle avait toujours un sourire plein de dents. Pis un calme évident, constant. Pis parce que tout ça, pis parce que mon plus petit est devenu un peu grand, je veux lui dire merci. Merci d’avoir changé quelque chose dans nos vies. Merci de toute son énergie. De ce qu'elle est, d’aimer ce qu’ils sont. De sa douceur, de sa passion. Merci. Merci, mille fois, merci.



Parce qu’avec elle, moi aussi j’ai grandi.


dimanche 12 juillet 2015

Ce silence qui fait du bruit


Ce matin, comme hier matin, la maison est calme.

Silencieuse.

Mais le silence, quand il hurle, il brise un peu les tympans.

Et ce matin, comme hier matin, le silence est criant. Pas de petite voix flûtée. Pas de son sourd annonçant qu’un objet qui ne le devrait pas vient de s’échouer sur le sol. Pas de petits pas sur le bois flottant. Pas de « mamaaaaaaan » retentissant à tout bout d’champ.

Silence. Calme.

Plat.

Pas de pieds froids collés sur mes jambes dans le lit, aucun petit doigt dans mes yeux ou mes oreilles pour me réveiller. Pas de gazon resté collé aux orteils qui traine partout sur le plancher que j’ai nettoyé et qui garde, étrangement, plus de dix minutes, son éclat alarmant qu’aucun bloc Légo ne vient troubler. Aucune course de tite auto dans le salon. Pas de voix insistante pour obtenir le contrôle de la manette de la télévision. Pas de yogourt renversé dans un regain de volonté d’autonomie. Pas de lait au chocolat. Pas d’escargot dans un pot. Pas de boucle à attacher, de bouche à essuyer, de cheveux à tresser.  

Que ce calme trop calme.

Que le frigo qui respire. Un café chaud. Et le bruit régulier de mes doigts sur le clavier.

Et ce vide.

Ce vide qui m’effrayait et que je dois maintenant apprendre à garnir. Ce vide que mes enfants avaient magnifiquement empli de leur petite vie.

Prends du temps pour toi pendant que tes enfants sont chez leur papa, qu’y disent.

Je le sais. Je le fais. Mais il y a de ces habitudes qui nous collent à la peau comme un plaster tout frais qu’on tenterait d’arracher.

Et comme j’ai dû un jour accepter le fouilli que ces deux petites vies foutaient dans la mienne, je dois maintenant apprivoiser l’ordre qui y règne quand ils sont partis vivre une petite partie de la leur ailleurs.

En buvant du café.

Chaud, pour une fois.



jeudi 11 juin 2015

Madame Christine

Parce que parfois, en fin d'année scolaire, il faut prendre le temps de remercier la personne qui a gardé un œil, ou deux, sur notre enfant et parce que les mots font souvent de beaux cadeaux, voilà ceux que j'ai donnés à Madame Christine :

Quand je serai grande, je rêve d'être comme elle. De garder, malgré les obstacles et les années, autant d'amour pour mes élèves. De garder, dans mes yeux, toute la tendresse qui brille dans les siens pour eux. Je rêve de mettre la main sur ce gant de velours glissé sur sa poigne de fer, celui qui prend soin au quotidien, celui qui se soucie, celui qui protège, qui réconforte, qui attentionne et compassionne 
 
Quand je serai grande, je rêve d'être comme elle. De laisser toujours cette passion enflammer mes idées pour leur permettre à eux de vivre du beau, du magique, du poétique. De sourire fièrement devant ce qu'ils réussiront. De m'émerveiller encore autant devant ce qu'ils sont, devant le chemin qu'ils suivront, devant leur évolution. 
  
Quand je serai grande, je rêve d'être comme elle. De laisser mes couleurs flamboyer, comme les siennes. Malgré les obstacles et les années. Ne pas m'affadir, ne pas ternir.

Briller pour faire briller.

Sourire pour faire sourire.
  
Aimer pour faire grandir.  
 
Comme elle. Pour eux.



mardi 12 mai 2015

Les fleurs, ça pousse même dans le froid

Pour la première fois de leur vie, j’ai fait un choix que je savais bousculant, bruyant, déchirant. J’ai choisi le déstabilisant. Le culpabilisant. L’inquiétant. Pourtant, je découvre en mes enfants une force que les adultes n’ont pas tant. Une capacité de vivre dans le présent, de rester confiants. D’avancer, malgré les tumultes, sans trop regarder ni derrière ni devant. Ils ont cette force que je leur envie tant. De marcher la tête dans le vent, les yeux ouverts et le rire plein de dents. Et je les vois continuer. À grandir. À pousser malgré le froid, malgré le mauvais temps. Et je les admire. Et j’apprends. Parce qu'ils gambadent dans la tornade. Parce qu'ils rient malgré la pluie. Et à travers le bruit et l’incertitude, ils fleurissent. Quand même. Et s'embellissent. Se renforcissent. Et grandissent. Surtout. Malgré tout.


Et je les admire. J'apprends. Que c'est pas tout d'être grand. Qu'il faut savoir être petit de temps en temps. Pour se laisser porter par le vent. Léger. Confiant.
 
Et je me rends compte que des fleurs, ça pousse. Tout le temps. Même dans les vents turbulents. Même quand le printemps est froid.







samedi 14 février 2015

Y fait pas beau, tout l'temps, partout.

Il y a ces semaines de tempête dont on parle rarement virtuellement. Ces moments turbulents qu'on tait dans ce monde d'apparat où il faut sourire sur les photos pour susciter l'envie avec le beau. Il y a de belles histoires, avec des licornes et des princes charmants, et il y en a d'autres, parfois, où les rêves foutent le camp. Tu le sais, lecteur désillusionné, que la vie nous garoche parfois un banc de neige qui cale jusqu'aux hanches dans le chemin et qu'elle nous regarde nous démener pour en sortir avec son estie de sourire baveux dans face! Et, comme un parent devant son kid qui apprend à nager, les bras croisés et l'œil amusé, elle nous tambourine les tympans avec les muscles qu'on se fera et la force qu'on prendra. Et moi, dans mon banc de neige, la face dans le vent, la pelle à la main pis les doigts su'l bord de tomber parce qu'ils ont froid, j'me dis juste que chu crissement pas ben là, drette là, mais que ça ira. Que la tempête passera. Que le printemps arrivera, il revient toujours, inlassablement. Pis qu'inévitablement, le banc de neige fondra. Mais j'ai quand même besoin d'écrire, même s'il y a du vent pis que les mots ne me viennent pas vraiment, parce que sinon ça tempête en-dedans pis ça fait mal au ventre. Faque fuck les apparences, lecteur empathique. Je sors une jambe de mon garde-robe virtuel pis j'te lance, comme ça, que chez moi, présentement, il fait pas beau tout l'temps.





samedi 10 janvier 2015

Journée d'gars

Aujourd'hui, c'était une journée d'gars. J'ai pas poussé l'audace à essayer de pisser mon nom de vingt-deux lettres dans la neige, mais j'y ai songé...

Une journée d'gars, c'est compter le temps en nombre de tirs au but.
C'est nommer les marques des voitures pendant qu'on les salue.
C'est se faire évaluer la qualité de goaleuse pis de scoreuse de buts.
C'est se faire dire qu'on sent bon même si on pue.

C'est se faire plaquer dans la bande de la galerie pendant qu'on se fait aller la pelle, les biceps pis les abdos à soulever l'épaisseur glacée de la semaine.
C'est devoir frencher une tite auto parce qu'elle a d'la peine.
C'est se faire demander en mariage au moins cent fois.
C'est se taper dans' mite pour n'importe quoi, à tout bout d'champ.


C'est se faire sortir de la lune par un coach d'un mètre qui proteste qu'il vaut mieux tenir son bâton à deux mains.
C'est courir, se pousser, se pitcher dans' neige, penser à rien.
C'est écouter plaider que Boston, c'est vraiment d'la marde.
C'est entendre imiter, après chaque but compté, une estie d'sirène criarde.


C'est se faire embrasser l'œil après qu'on y ait crissé un bâton de hockey victorieux.
C'est se faire clamer je t'aime en se regardant l'fin fond des yeux.
Se faire aussi dire qu'on est belle, qu'on a les plusses beaux cheveux.
C'est se laisser convaincre qu'on n'est pas si vieux, juste un peu.