L’humain a la superstition facile. Il cause à effet pis
après, il croit qu’il sait. Il s’attribue du contrôle. Pour l’espoir. Pis il se
persuade qu’il influence, qu’il peut prévoir.
Il se règlifie le quotidien, le vocabulaire pis se ritualise le sport.
Pis il se convainc qu’il a du pouvoir. Ça commence souvent par les lignes du
trottoir, les trèfles à quatre feuilles, les dessous d’échelles pis les chats
noirs. Pis le cassage de miroirs. Pis ça évolue différemment selon le sexe que
t’as.
Si t’es une fille, tu vas fort probablement faire des vœux. Les
filles font des vœux à 11h11 surtout, à 1h11, à 2h22, à 3h33, à 4h44, à 5h55
pis à 12h34 si elles sont vraiment wild. (Pas toutes, c’est vrai, lectrice
athée de la superstition, je sais. Mais plusieurs. Arrête de t’insurger pis de
crier au sexisme pis au stéréotype pis à l’égalité de la femme, là, on
généralise rienque!) Faque les femmes, elles voeutent. Pis elles le choisissent
avec soin, leur vœu. Pis sérieux : SÉRIEUX! Elles ne vous confieront
JAMAIS leur vœu. Même sous la torture. Parce qu’en plus, elles font presque
toutes le même chaque fois depuis qu’elles ont l’âge de voeuter, faque faudrait
toujours ben pas leur gâcher leur vieux voeu! Parce que formuler un vœu, ça prend du
doigté : ne formule pas un vœu qui veut! Il doit être général, mais
précis, réaliste mais pas trop. Pis il doit être complet. Sinon ça se peut
qu’il se réalise tout croche parce que t’auras pas précisé qu’il doit être
célibataire, l’homme de ta vie, tsé.
Je peux te l’écrire à toi, lecteur impudique, moi je fais le
vœu de gagner 25000$ depuis quelques années déjà. Pis je ne me gêne plus, fuck
les règles du vœu, je le scande même tout fort à la serveuse quand elle me
demande, à la fin du repas, si je prendrais autre chose.
Les gars, ils font pas ça, eux, des vœux. Non. C’est pas
viril, les vœux.
Ce qui est viril, c’est de porter son chandail d’équipe pendant
les séries, coûte que coûte, peu importe son état visuel et olfactif. Pis se faire
pousser la barbe. Pis frencher son bâton de hockey avant une game, ça aussi, c’est
foutument viril. Pis parler à ses poteaux. Pis aligner ses bouteilles d’eau. Faire
des vœux, stie que c’est puéril. Mais avoir un numéro fétiche, des bobettes
fétiches, une couleur fétiche, s’habiller dans un ordre précis pis cogner au plafond
du char sur les lumières jaunes pour gagner 30 minutes de sexe, ça, ÇA, c’est
cruellement mâle.
Par contre. Mais. Toutefois!
Il y a UNE superstition qui nous réunit. Qu’on répète inlassablement.
Avec laquelle personne ne s’obstine. Une superstition qu’aucun gars viril et
aucune fille puérile n’a envie de contredire. C’est une belle superstition, qui
réunit au lieu de diviser. Qui relie. Qui noue. Qui nous unit. Celle qui nous
force à se partager l’œil quand on partage déjà du temps, des rires, une table pis des rhumes. Tu sais déjà de
quelle superstition il est question, lecteur éveillé, et avoue qu’il ne te
viendrait jamais à l’idée, à cause des conséquences dramatiques, mais aussi à
cause de la beauté du geste, d'éviter de regarder l’iris de ceux avec qui tu
lèves ton verre!
Faque je te lève le mien, lecteur festif, en te regardant la
couleur de l’œil et en faisant le vœu que tu sois heureux grâce à et malgré ce
que le gars des vues te garoche sur le chemin. De voir le beau même dans le
croche. De vivre de la couleur, tout plein. Pas juste pour 2017. Pour 2018. Pis
2019. Pis 2020. Pour toujours. Ne jamais voir que le noir. Jamais, jamais.
Cheers!!!
Pis j’touche du bois.