Mon cher char mart virgule
Alinéa On en a fait, du chemin, toi et moi. T’en as vu, des bouts
de ma vie. Mais là, t’es MART!!! (Oui, oui, lecteur ahuri, je CRIE en
majuscules, le moment est grave!) C’est pas toi, qui vas venir avec nous en
Gaspésie cet été!!!! C’est pas toi qui viendras nous porter à l’aéroport!!!!
C’est pas toi qui iras chercher les enfants à l’école, le soir!!!! NON, PARCE
QUE TU ES MART! …Très mart. Trop maaaaart. (Le ton est plaintif, tu l’entends,
lecteur compatissant?) C’est un autre qui nous entendra chanter du Mumford
& Sons. Hurler un peu, j’avoue. Fort. Un peu fort des fois. C’est un autre
que toi qui portera ma planche jusqu’à la rivière. C’est dans un autre char que
les enfants laisseront trainer des graines de muffins, des billes, des
bouteilles d’eau, des cailloux, des lunettes fumées, des tites autos, des
papiers de bonbons, des pelures de bananes et des cartes douteuses d’un jeu de
Pokemons dont je ne comprends pas les règles. Ce ne sont plus tes oreilles qui
entendront l’exaspération de ma fille pour son frère et les grandes émotions de
mon garçon. Ben non!!! Parce que t’es
MART, merde!
Changement de paragraphe
Alinéa D’ailleurs, j’ai déjà commencé à te remplacer. J’en
ai vu des plus jeunes. J’en ai vu des plus forts. Mais ils ne sont pas comme
toi! Ils n’ont pas une belle ti poque cute sur le bord du bumper parce que
j’avais un peu accroché le char de mon père. Pis une en avant parce que j’avais
un peu avancé dans un stationnement au lieu de reculer. Ils n’ont
pas tes joyeux caprices de givre dans les fenêtres ou de porte qui s’ouvre et
se ferme seule selon la pente dans laquelle je t’ai stationné. Non. Les autres,
les portes ferment à la perfection. Mais les autres, ils n’ont pas vu les huit
dernières années de ma vie. Les voyages à Gougounequit, dans Charlevoix, à
Montréal, en Beauce, à Pont-Rouge, à Tadoussac, pis en Gaspésie. La naissance
de mon garçon et les premiers mots de ma fille. Les autres, ils ne sont pas
toi. (Parce toi, t’es MART viarge!)
Changement de paragraphe, encore
Alinéa Mais t’en fais pas pour moi. J’accepte ta mart avec
zenneté et une veine d’éclatée dans le cou. Et je serai heureuse à nouveau.
Crois-moi. Avec un autre cette fois. Un char pas mart. Un vivant! Un qui
m’amènera sur les chemins d’été. Défiant le soleil et l’immensité. Pis
checke-moi ben l’aimer. Pis le laver, lui. Des fois. Au moins une fois tous les
deux ans, promis. Juré. Craché. Et lorsque mon fils lui aura botté un ballon de
soccer dans les dents, que ma fille l’aura barbouillé de ses doigts dans les
fenêtres et que j’aurai inondé le porte-gobelet de café brûlant, je saurai
qu’il fait partie de la famille. Malgré les bisbilles d’enfants. Parce qu’il sera imprégné de nous comme tu
l’es présentement. Je t’en veux un peu,
que tu sois MART sans avertir, sans crier GARE, char mart. Je te laisse partir
puisque c’est ce que tu désires. Ton suicide laissera des traces indéniables,
indélébiles. Dans mon portefeuille. Et dans mes souvenirs. Il est temps que
j’essaie de clore, char mart! De passer à une autre histoire. J’irai pas te
voir à la cour à scrap, c’est mieux pour nous deux.
Pis pour cette image de toi que je garderai en mémoire.
Parce que là t’es mart, char mart.
Veuille agréer, mon cher char mart, mes salutations les plus
sincères.
Ta pu fidèle et
endeuillée propriétaire,
Marie-Luce Higgins