dimanche 21 décembre 2014

Québec, je t'haïs

Depuis quelques nuits blanches déjà, je cherche mes mots, Québec. Ceux que j'ai trouvés sont trop violents, haineux, sacrent sans modération et envoient chier promptement, désobligeamment. Ceux-là n'auraient servi à rien. J'essaierai donc d'en choisir d'autres et de les écrire calmement.


J'ai bien réfléchi, Québec. Et sache que mes mots, je les pèse précautionneusement. Je ne croyais pas les dire un jour, moi qui t'aimais tant. Je ne pensais pas les penser vraiment. C'était du déni, je le sais maintenant. Alors je te les lance comme ils m'habitent : sèchement, brutalement.


Québec, je t'haïs.
Terriblement.


Je t'en veux, de fusiller mes rêves. De noyer mes valeurs. De saigner mes espoirs, mes ambitions, mes aspirations.


Je t'en veux de mentir, de salir. De faire croire et de détruire. Je t'en veux de nous négliger, de m'abandonner et de prétendre que c'est pour mon bien, que ça va bien aller.


Je t'en veux de ne pas voir l'essentiel. De cracher sur le primordial. De piétiner le principal. Et de scander hypocritement que ça ne fera pas mal.


Je t'en veux de vouloir changer. De te détourner des priorités. Je ne peux pas te laisser faire, tu me verras me lever. Je ne peux pas me laisser faire, tu m'entendras crier.


Québec, je t'haïs, mais j'espère cruellement pouvoir encore t'aimer.


Je veux vivre, éduquer, grandir avec toi. Québec, tes décisions m'appartiennent un peu, souviens-t'en. Je ne suis pas seule à enrager tant. À colérer férocement. Québec, arrête-toi, il est encore temps. Reviens donc à ce qui importe tant.





mardi 16 décembre 2014

Chêne


J'ai écrit ces mots pour une amie qui ne savait pas lesquels choisir après avoir appris le cancer d'une de ses amies. Parfois, ça fait plaisir d'offrir ses mots à ceux qui ne trouvent pas les leurs...

J’étais un roseau après la tempête. J’avais eu beau essayer, j’avais été incapable de me redresser. Le vent m’avais usée, courbée jusqu’à me plier complètement, jusqu’à m’écraser, me briser. J’étais un roseau massacré. Et toi, mon chêne. Vivant. Solide. Assuré. Ta force apaisait ma fragilité. M’empêchait de vaciller. Tu étais droite, parfaitement bien enracinée. Et tes couleurs égayaient la grisaille, éclairaient mon obscurité. Et tranquillement, j’ai su me relever, me soigner. C’est toi, mon chêne, qui, tout ce temps, m’a protégée.

Et voilà qu’une nouvelle tempête rugit. Les vents sont forts, je sais, je fléchis. Et j’ai peur. J’ai peur pour toi, mon amie. Peur que cette fois, ce soit toi qui plies. Et je ne suis qu’un roseau, toute menue à côté d’un chêne, si petite devant le grand, minuscule devant le géant. Mais j’ai confiance. J’ai confiance en ta puissance, mon amie. Je sais que tu resteras debout dans les vents. Je sais que tu ne casseras pas pendant l’ouragan. Garde toute ta force pour toi, cette fois. Reste droite, mon amie, ne fléchis pas.





mardi 2 décembre 2014

Rêver jeune

Rêver jeune, vivre vieux. Aimer la spontanéité et devoir planifier. Souhaiter hurler, danser, mais se taire, se raisonner. Réprimer son rire pour la crédibilité. Être solide alors qu'on a envie de s'écrouler.


Pis étouffer.


Vouloir des céréales pour souper pis s'obliger à manger équilibré. Courir même si on est fatigué. Se lever quand on voudrait se coucher. S'impatienter alors que tout passe avec tant de rapidité.


Pis souffler. S'essouffler.


Et respirer. Recommencer.


Désirer l'impromptu, mais routiniser. Fantasmer d'intensité et se contenter de stabilité. Voir grand, vivre raisonnablement. Aimer agir, devoir réfléchir.


Et s'étourdir. En espérant ne pas défaillir.





mardi 21 octobre 2014

Cet après-midi, j'ai eu quatre ans

Cet après-midi, j'ai eu quatre ans. Tu as grimpé tout en haut, sur ton bateau de pirates au milieu du parc. Tu étais le gentil et moi le méchant. Il y a eu de la pluie, mais en mer, tout est mouillé d'avance, ça ne dérange pas. J'avais mon épée, tu avais ton bateau. Je clamais : "À l'abordage!" parce que ça fait toujours beau. Et tu ripostais de tes mots graves : "Marin d'eau douce, retourne dans ton canot!" C'est alors qu'est arrivé ton équipage, inopinément, comme une bordée de neige à la fin du printemps. Ils étaient quarante-seize. J'étais seule. Ils m'ont encerclée, menacée. Attaquée. J'esquivais les coups. Je bravais la mort. J'avais déjà perdu plusieurs bras quand j'ai eu du renfort.


Cet après-midi, le papa de ton équipage, un pur inconnu, a eu quatre ans un peu. Le geste hasardeux et le cri incertain, il est passé à l'attaque. Il n'avait pas ton assurance, mais il avait la force de l'odeur d'une poche de hockey et savait se battre. C'était insuffisant, vous gagniez.


Cet après-midi, mon papa aussi a eu quatre ans. Il ne pouvait pas me laisser mourir autant de fois en restant impuissant. Il a fait comme toujours, il a volé à mon secours. Lui, sa fougue et ses feuilles mortes vous ont attaqués, imprévisibles, alors que vous vous étiez confortablement assis sur vos lauriers comme les Canadiens quand ils mènent en première période. Et je suis morte pour une cinquante-treizième fois, pour la forme, mais surtout pour le regarder rire comme un enfant. Mon père.


Et parce que mon papa, c'est le plus fort, vous avez capitulé.


Et j'ai trouvé que c'était un peu ça, le bonheur : regarder mon père, même à soixante ans, en avoir quatre avec toi.



dimanche 28 septembre 2014

Nous sommes

Nous sommes. 
Il a quelque chose de permanent, le verbe être. 
Non? 

Un dimanche soir pareil à tous les autres dimanches soirs, ta Terre a cessé de tourner. Le téléphone avait sonné. Sa sonnerie n'avait pourtant rien de particulier. Aucune musique dramatique ne s'était subitement mise à jouer. La lumière n'avait pas changé. Rien ne laissait présager. Tu avais répondu innocemment. En croyant qu'ils étaient. Qu'ils seraient toujours. Ou du moins longtemps.

Tu as su qu'ils n'étaient plus. Jamais. Que toi non plus, tu ne serais plus complètement. Du moins pour longtemps. 

Tu m'avais appelée. Le téléphone avait sonné. Sa sonnerie n'avait pourtant rien de particulier. Mais ma Terre s'était un peu arrêtée. Pendant que les enfants s'arrosaient dans le bain, mon impuissance ruisselait sur mes joues. 

Et tu avais tant à penser alors que tout ce que tu aurais voulu, c'est t'écrouler. Et tu avais ce petit homme, dans ton ventre, que tu devais protéger. Protéger de cette douleur que tu voulais lui éviter. Parce que tu ne voulais pas donner la vie dans la mort. Parce que tu n'étais pas seule dans ton corps.

Et tu es restée debout. Alors que tu aurais pu t'écrouler. Tes racines avaient été arrachées, mais tu n'as pas laissé l'ouragan t'emporter. 

Tu ne savais pas comment faire, quand ta Terre s'est doucement remise à tourner. Comment vivre le bonheur d'une naissance dans la douleur de la mort? Et toutes ces premières fois sans leurs mots, sans leurs voix? Tu devais réapprendre à marcher, seule cette fois. Sans leur aide, sans leurs bras.

Mais tes pieds étaient solides, même s'ils avaient parfois envie de s'écrouler. Tu avais d'autres petites vies à t'occuper. Tu as pris soin de ceux qui sont. Et tu as continué à être, malgré la tempête. 

Maintenant, je sais que tu sais mieux que moi que nous sommes, oui, mais ne sommes pas permanents. 

Et je le sais un peu plus, avec toi.

Tu es forte, mon amie. Plus que tu ne le crois. 


dimanche 7 septembre 2014

Des mots plein la tête



Parce que, des fois, il y a des mots qui auraient avantage à nous rester en tête, il vaut mieux les mettre dans sa tuque.


C’est pourquoi l’Insomniaque sa muse attache ses mots avec d’la broche à l’intérieur des tuques de La folle à la machine. Pour joindre l’agréable à l’agréable, La folle et l’Insomniaque s’amusent à la machine.


Choisissez bien votre tuque.


Choisissez bien les mots.

Parce qu’une fois dans la tuque, les mots ne sont pas loin d’être en tête…


Pour des photos, pour plus de détails, pour tout achat ou bedon pour des tuques ou des messages plus personnalisés:


L'insomniaque sa muse


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lundi 1 septembre 2014

L'amour lent

J'ai toujours eu l'amour lent. Je tombe amoureuse avec beaucoup de retenue. Probablement parce que j'ai jamais aimé tomber, ça fait toujours un peu mal. J'ai toujours eu l'amour qui prend son temps. Il faut être patient, le regarder grandir, parfois fleurir, mûrir, mais trop souvent flétrir, s'évanouir, mourir. J'ai toujours eu l'amour sélectif. Il réfléchit beaucoup. Trop. Beaucoup trop. J'émotionne fort, c'est vrai, mais encore faut-il que j'émotionne. Et j'ai toujours eu le feu de paille détrempé.


Pis là, lecteur qui s'attend à une histoire de princesse, tu vas être déçu. Parce qu'il est rare que mes mots soient aussi graves. Qu'ils viennent d'aussi loin.  Ne me juge pas, lecteur compréhensif. Je ne t'ai pas jugé, moi, l'autre jour, quand je t'ai pogné en train d'écouter du Lara Fabian. Ne juge pas mes mots, je t'avertis, ils sont gros.


J'avais accepté que mon char se promène sur le break à bras.


J'avais accepté que la foudre s'abstienne de m'assommer.


Et j'avais accepté cette flamme qui vacille à chaque coup de vent.


Par contre, j'ai moins bien accepté que l'amour prenne son temps même avec mes enfants.


J'avais cette peur, de ne pas aimer assez. Parce que j'ai l'amour lambineux, tu le sais. Et j'ai beaucoup écouté l'expérience parler. Elle m'a raconté qu'une mère aime intensément dès les premiers moments. Elle m'a affirmé que c'était viscéral, instantané. Elle m'a convaincue de ne pas m'en faire. Je l'ai crue, que pouvais-je faire d'autre?


Et elle est née.


Et j'aurais tué, pour qu'elle vive. J'aurais assassiné pour la sauver. C'était nouveau comme pulsion. C'est d'ailleurs la seule fois où j'ai pu croire à l'instinct. À une programmation animale venue de la préhistoire, plus forte que mon éducation, que ma raison. C'était fort. C'était intense. Intensément fort.


Mais ce n'était pas de l'amour. Pas au sens où je le ressens.


Je n'aimais pas ce petit être qui venait de moi tout simplement, je le sais maintenant, parce que je ne le connaissais pas. J'aimais ses yeux aux iris volumineux, ses doigts pleins de phalanges et même son nombril protubérant. Mais elle? Qui était-elle?


Comment pouvais-je aimer ce qui m'était encore inconnu?


Peut-être parce que je ne la comprenais pas. Peut-être parce qu'elle pleurait allègrement. Peut-être parce que je ne suffisais pas à la rendre confortable, ou bien encore parce que je suffisais trop, je ne sais pas. Peut-être parce que la neige a beaucoup trop neigé cet hiver-là. Peut-être parce que je monologuais un peu trop souvent. Probablement parce que mon sommeil a décidé de foutre le camp. Et que finalement, les besoins de base n'ont pas beaucoup à nous apprendre sur un enfant... Fouille-moi pourquoi. Mais j'ai encore une fois eu l'amour lent.


J'aurais préféré m'y attendre. J'avais peur. De ne pas ressentir à la hauteur.


Et le temps a passé. Et la paille a séché. S'est allumée. S'est finalement embrasée, tu le sais. J'ai appris à la connaitre, à l'aimer. À partir du moment où j'ai pu la découvrir sur d'autres bases que son sommeil excessivement entrecoupé, ses pleurs démesurés et son appétit effréné, j'ai su l'aimer. Quand j'ai vu sa curiosité, son calme, son intelligence, sa joie, sa naïveté, là, pour de vrai, au sens où je le ressens, je l'ai aimée. Elle. Ce qu'elle était. Vraiment.


Et quand j'ai aimé, j'ai aimé. Tellement. Tant.


J'aurais préféré m'y attendre. Ça m'aurait empêché de m'inquiéter.


La deuxième fois, j'ai accepté que j'avais le sentiment différent de ce que l'expérience m'avait juré. J'ai accepté que ce serait fort, mais que je prendrais du temps à connaître, à aimer au sens où je le ressens, moi. Parce que je savais que ça viendrait quand il me montrerait qui il était. Lui. Pour de vrai. Parce que je savais que ce n'est pas le nombre d'heures qu'il dormirait qui ferait de lui un bon ou un mauvais bébé, qu'il faudrait que j'attende pour voir sa vraie personnalité. Parce que même si, comme sa sœur, il avait le pleur déterminé, je saurais lui trouver d'autres qualités. Parce que je savais désormais que je ne passerais pas ma vie à monologuer, j'ai eu la patience d'attendre d'aimer.


L'expérience tait souvent ces mots qui sont gros, graves. Parce que les autres sont plus beaux, légers. Maintenant, je le sais.


J'ai aussi compris que je n'ai pas vraiment l'amour lent, j'ai plutôt l'amour vrai. Il attend de savoir qui il a à aimer, pour aimer vraiment.

lundi 4 août 2014

L'adulte ère


C’est en mettant la table que me revient un bout d’enfance.

Jadis, dans un passé pas si lointain, dans mon monde, chaque ustensile avait sa propre personnalité. Le couteau était l’ami gai de la cuillère qui, elle, était la gentille dans la pièce de théâtre de mes repas. La cuillère était naïve, mais honnête. Naïvement honnête. Et le couteau la protégeait grâce à sa poigne de métal et à ses dents au moins assez fortes pour couper du beurre déréfrigéré. Tous les deux avaient la bonne humeur assez égale et le bonheur facile. La fourchette, elle, par contre, il fallait s’en méfier. C’était la bitche, l’hypocrite. Elle pouvait piquer n’importe qui dans le dos. Elle était jalouse et la cuillère devait s’en méfier. Pourtant, celle-ci lui accordait toute sa confiance : dans sa grande bonté, elle percevait plutôt toute la souffrance derrière les actes méchants de cette folle dangereuse et lui pardonnait, ostensiblement. Ustensilement.

Dois-je vous dire que mes repas étaient littéralement des téléromans?

Maintenant, j’ai grandi. Je me suis assagi. Je suis une personne occupée. Avec un agenda et un horaire. À l’heure des repas, j’ai bien d’autres chats à fouetter. Je ne fais plus vivre de drames à mes ustensiles. Ils sont sages, maintenant. Ils restent sur la table, rangés, bien à leur place : la fourchette à gauche, isolée des autres parce qu’elle n’a jamais réussi à s’entendre avec eux finalement, m’imagine-je. Le couteau à droite, lame tournée vers l’assiette pour mieux regarder la cuillère qui se trouve à sa droite, petite, délicate, innocente.

Et je songe.

Et je me questionne.

Je me demande : qu’est-ce qui s’est passé pour que j’en vienne à placer correctement les ustensiles sur la table? Comment en suis-je donc arrivée là?

C’est ÇA, être adulte? C’est oublier que la cuillère devrait enfin apprendre à s’affirmer, qu’il serait temps que le couteau fasse son coming out et que la fourchette se paye une thérapie? Être adulte, c’est suivre des conventions sur lesquelles on a craché toute son adolescence parce qu’on ne voulait pas se plier à des règles sans aucune utilité? Être adulte, c’est placer les ustensiles sur la table de la bonne façon parce que c’est comme ça, c’est tout? Parce que, sans rire, mon patron au resto dans mes folles années universitaires a bien tenté de me convaincre qu’il y avait une utilité derrière cette convention. Mais entre toi et moi, lecteur insoumis, j’ai opiné du bonnet avec un brin d’incrédulité dans l’œil pour lui faire plaisir. Dans mon for intérieur, je lui faisais un doigt d’honneur.

Et la casquette, à la table? Hein?!? Je m’en insurge, maintenant que je suis une adulte. Maintenant que je suis une personne sérieuse! Et je l’enlève à mes enfants pour être certaine qu’ils ne manquent pas de respect! Parce que t’as beau avoir le plus beau sourire du monde et le merci léger, si t’as UNE CASQUETTE À TABLE, FRANCHEMENT, quel manque de respect!!! Pourtant, je me souviens d’une époque pas si lointaine où je portais des chandails « Anarchy » pour aller manger au Québec Inn à la fête des mères. Juste pour faire le contraire de ce qu’on s’attendait de moi. Mais maintenant, je suis grande. Je suis sérieuse, moi. Je suis adulte!

Pourtant, mon for intérieur a encore le goût de faire des fingers pis des pièces de théâtre avec mes ustensiles. Et mon for intérieur rit de moi quand je tente de trouver des explications logiques à cette casquette qu’on doit enlever par respect. Et à cette fourchette qui va à gauche. Parce que mon for, lui, il la connait, la vraie raison derrière les conventions. Et il me la crie avec son chandail « Anarchy » pis ses Doc Martens. Il s’époumone sur un fond de Bérurier Noir qui joue trop fort :  « C’est pour creuser le clivage entre les classes sociales!!! Les riches savent se tenir, c’est bien connu! » (Il parle ben, pareil, mon for intérieur, hein, même s’il s’habille mal?) Et il continue : « Pour vrai, là. Ça ferait quoi, à part salir un peu, si on mangeait avec nos mains? Ou si on empoignait nos ustensiles plutôt que de les tenir du bout des doigts, l’auriculaire dans les airs? Si on rotait entre deux bouchées de tartare? (D’ailleurs, pourquoi le juge-t-on tant, ce pauvre rot???) Si on portait un casse de bain en dégustant de la bavette? Si on mettait nos coudes sur la table? Si on parlait fort? Si on ne plaçait pas notre tite napkin sur nos genoux? Me semble que les repas seraient plus spontanés. Me semble que c’est pas ÇA, le respect. Me semble qu’on aurait peut-être l’air de pas savoir vivre, mais qu’on serait capables d’avoir du fun en viarge par exemple!!!! »

Et là, comme toutes les fois où mon for me parle fort, j’ai envie de me faire faire un mohawk.

Et je suis soudainement tirée de ma conversation intérieure parce que je reçois sur la joue les patates pilées que mon gars est en train de propulser avec son innocente cuillère et qu’il faut que je lui explique que ses ustensiles, ce n’est pas pour jouer à la bataille des Anglais et des Français parce que ça salit et que ça gaspille pis qu’il y a des enfants dans le monde qui ont faim, eux, pis que c’est pas si tant agréable, finalement, de recevoir des patates sur la joue… (Pendant que mon for intérieur tonitrue qu’il veut être les Français, lui!!! Qu’il lance ben plus loin que mon fils, qu’il a un plus gros motton de patates et qu’il va gagner, c’est certain!!!!)

Bref, être obligé d’enseigner des règles qu’on n’a pas tant envie de suivre, c’est un peu ça, être adulte, j’imagine…

mercredi 23 juillet 2014

Ma vie avant ma vie

En psycho, au cégep, j'ai dû faire un travail long sur ma vie avant ma vie. "Ah, la psycho!" soupires-tu probablement en ton for intérieur, lecteur dégoûté. Nenon! Détrompe-toi! Sache qu'avant même de vivre, j'avais déjà du vécu.


D'abord, j'ai failli me faire tuer à 3 reprises. Ça te rend l'extra-utérin alléchant, ça. Pis pas juste un peu tuer, là. Beaucoup tuer!


Pour faire une histoire courte : au travail, ma mère s'est sauvagement fait attaquer par un classeur. Un escalier complet s'est littéralement dérobé sous ses pieds alors qu'elle tentait simplement de le descendre (peut-être avait-il peur de la mort? ... descendre... descendre... ok, ok... je la travaille celle-là.) Et pour couronner le tout, une charrue a férocement embouti la voiture dans laquelle je me trouvais, bien endormie contre mon placenta.


Je connais la réplique qui te vient à l'esprit, lecteur espiègle. Je le vois, ton air taquin, ton sourire en coin et ton sourcil relevé qui veut me dire : "Aaaah, ça explique tout!" Non. Ça n'explique pas tout. Je pourrais te conter la fois où mon père m'a oubliée à la disco, au primaire. Ou bedon celle où il a négligemment jeté ma perruche morte, Pico de son prénom, dans la grosse poubelle verte de l'entrée en me pensant trop épaisse pour la trouver là. Ou encore toutes ces fois où il racontait mes pires bévues devant chacun de mes nouveaux chums. Ça, ça explique tout!!!! Mais bon. Je ne le ferai pas. Tu connaitrais alors l'ampleur de ma folie...


Il y a toutefois une chose que j'ai apprise en rédigeant ce travail long : j'aurais dû avoir un jumeau. Ou une jumelle. Pour faire bref, je sais ben que tu n'as pas que ça à faire, lire ma vie avant ma vie, lecteur impatient que j'en vienne à mon sujet, (ben non, je n'y suis pas encore... Je suis encore dans l'intro. Tu peux comprendre que moi, les travaux longs, je m'y sentais à l'aise!) les médecins ont découvert un deuxième placenta dans le ventre de ma mère, quelques jours après ma naissance, après que ma mère ait saigné, hémorragiquement parlant, tout le sang de son corps. Ils lui ont expliqué qu'il y avait eu un deuxième fœtus. J'avais donc vécu jusqu'à ma naissance avec mon jumeau mort! (Ou du moins avec son placenta, mais la phrase est plus forte si je la dis comme ça...)


Il n'en fallait pas moins pour que ma prof de psycho me trouve soudainement extraordinairement intéressante et me questionne publiquement : "As-tu toujours trouvé qu'il te manquait quelque chose?"


Il n'en fallait pas moins non plus pour que mon imagination s'emballe, trouve un nom à ce jumeau mort et le culpabilise pour toutes les fois où la vie m'avait fait une jambette ou un clin d'oeil. Ces nombreuses fois, quand j'étais petite, où je pensais à quelqu'un juste avant de le rencontrer par hasard. Cette fois où je me suis râpé le côté gauche du corps sur l'asphalte en rollers juste après m'être dit que finalement, j'étais bonne en rollers. Cette autre fois où juste avant de grimper en sens inverse sur le mur central de Du Vallon, mon cerveau avait eu la brillante idée de trouver que je conduisais bien. Ou encore, la fois où, jadis, époque où les cellulaires n'appartenaient qu'aux riches dealers de drogue - les autres se contentant des pagettes - j'avais vraiment eu besoin d'appeler en faisant l'épicerie et m'étais répété tout le long des longues rangées du Maxi, qu'un cellulaire, ça aurait tellement été pratique, que j'aurais pu appeler en marchant, que j'aurais assouvi immédiatement mon besoin immédiat et qu'il aurait donc été pratique... avant de trouver, au fond du panier, camouflé entre un avocat et une carotte... un cellulaire! Perdu, probablement... Ou APPARU juste avec la force de ma pensée!!! Cette fois aussi, où je suis montée chez ma vieille voisine d'en haut à 8 heures du matin, sous prétexte que j'avais entendu un bruit sourd dont la provenance m'était inconnue et que personne d'autre que moi n'avait entendu. J'avais cogné dans sa porte d'en arrière. J'avais cogné dans sa porte d'en avant sous l'œil découragé de mon ex qui tentait de me convaincre qu'ils étaient partis. J'avais cogné de façon un peu trop insistante malgré ses protestations. J'avais même appelé la police après qu'il ait décidé que j'étais folle et qu'il allait déjeuner paisiblement, lui. Je parlais au 911 quand j'ai entendu ma vieille voisine geindre. Elle bredouillait des incohérences. Ça lui a pris 15 minutes pour ramper sur le sol et venir débarrer la porte. Ses 70 livres d'os s'étaient effondrées sur le tapis commercial imprégné d'une odeur d'humidité et de vieux pipi, lui fendant le crâne garni d'une chevelure qui ressemblait étrangement à un seul gros rasta qu'on avait envie de laver et de brosser pour lui redonner un peu de jeunesse. La police m'a remerciée. Elle aussi, plus tard.


Et toutes ces autres fois où j'ai trouvé la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Et celles aussi parfois où c'était moi, la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Je me demande.


Je me demande beaucoup. Parce qu'en bonne athée que je suis, je n'aime pas qu'on ait inventé l'existence d'une divinité pour expliquer l'inexplicable. Mais reste qu'il y en a beaucoup, d'inexplicable. Certains appellent ça le hasard, la coïncidence. D'autres, la Vie. D'autres encore parlent d'anges gardiens. Moi, j'aime bien mettre tout ça sur le dos de mon jumeau. Parce que c'est drôle. Et parce que j'aurais bien aimé qu'il vive pour lui mettre sur le dos la fois où j'avais cassé ma banque en céramique parce que j'incrédulisais devant l'évidence qu'elle se casserait si je la laissais tomber sur le plancher de ma chambre. Pis aussi un peu parce que j'aime bien penser que j'ai quand même grandi avec lui. Comme avant ma naissance.


C'est peut-être, après tout, ma façon à moi de faire en sorte qu'il ne m'ait pas toujours manqué quelque chose.





lundi 14 juillet 2014

Toi qui n'as pas de graines de muffin dans le fond de ton char

Toi, lecteur indécis qui ne sait pas s'il aura des enfants. Toi qui as encore le temps d'y réfléchir. Toi qui branles dans le manche. (Non, mais, ça vient d'où, cette expression-là?!?) Toi qui vas au festival d'été sans te soucier d'apporter des lingettes humides ou des collations. Toi qui manges un bol de céréales, le soir, pour souper, quand t'as envie d'envoyer paître Ricardo. Toi, là, qui se lèves régulièrement au-delà de 7 heures le matin. Toi, oui, toi! J'ai quelques mots à te dire, avant que le manche se stabilise pis que t'arrêtes de branler d'dans. (!!!??!)


Des kids, c'est du temps plein.


Je le sais, que tu le sais, t'es pas un con! Je sais que tu sais que la nuit aussi, t'es le parent de ton enfant faque que c'est toi qui dois ramasser le pipi ou le vomi entre un rêve où Louis-Jean Cormier te demande en mariage et un autre dans lequel la fin du monde te force à empaler désespérément, pour ta survie, un chat nébuleusement atterri dans ton canot au moment où tu pensais sérieusement à te bouffer une main. Je sais ben que tu sais que le matin, tu peux pas le laisser mariner (ton kid! pas Louis-Jean. Ni le chat empalé.) dans son bol de lait renversé devant la télé que tu tentes tant bien que mal de lui ploguer pour t'accorder un sursis de quelques minutes de sommeil. Je sais que tu sais ben que tu vas devoir applaudir des bottés de marde au soccer. Je sais.


Ce que je ne sais pas si tu sais, c'est que plus tu investis d'énergie et de temps, avec des kids, plus c'est payant.


D'abord. Tsé, gérer une crise de 10 minutes, ça te demandera pratiquement autant d'énergie que d'aller t'entraîner une tite heure. En plus, tu devras ajouter à l'énergie dépensée un fort contrôle de toi-même, un sentiment d'incompétence parental et parfois même, si c'est devant public, une légère touche de honte. Et le pire, c'est que cette crise, tu la verras venir. Ton réflexe de défense sera naturellement de tout faire pour éviter cette dépense ridicule d'énergie. Parce qu'on s'entend : prendre 10 minutes dans la course folle du matin pour calmer les hurlements dramatiques de l'enfant qui n'a pas la bonne couleur de bobettes, c'est plutôt futile. Donc, en personne raisonnable que tu es, tu tenteras d'éviter la dépense inutile d'énergie. Mais tsé, quand la crise que tu n'auras pas réussi à éviter sera entamée, que les convulsions auront débuté, que l'écume sortira de la bouche rugissante de ton enfant au visage déformé par la rage de n'avoir pas de Nutella dans sa sandwiche, c'est là qu'un problème grave pourrait survenir : l'achat de la paix.


L'achat de la paix, c'est une façon de négocier les crises en donnant immédiatement à l'enfant ce qu'il veut pour éviter une dépense d'énergie qui semble stérile.


Mais non, lecteur à la liberté encore intacte. Non! C'est un piège! N'y tombe pas. Ne lui mets pas de Nutella en te disant que la prochaine fois, ça ne se passera pas comme ça!!!! Laisse-lui ses bobettes bleues et ne t'imagine pas que tu sauves du temps à lui mettre les rouge parce qu'il crie pour les avoir!!!! Phrase importante : l'énergie que tu ne dépenseras pas à ce moment, tu devras la dépenser de façon exponentielle plus tard, crois-moi.


Ensuite. Je sais ben que tu sais que le kid, il s'occupe pas toujours tout seul. Je sais que tu sais ben que tu devras passer du temps avec lui. Je sais que tu te dis, comme Stéphane Laporte, que dans ton temps, les kids de la rue jouaient ensemble pis que les parents ne s'en mêlaient pas. Et je dois t'avertir : jouer avec un enfant, c'est cool pendant un temps, mais ça fait son temps. Pis vient un temps où jouer te prend plus d'énergie que d'aller faire ton épicerie un 24 décembre en pleine tempête. (Pis des fois, en fait, t'as plus envie d'aller faire ton épicerie un 24 décembre dans la tempête.) Pis il faut que tu saches : texter pendant que son enfant joue, c'est bon pour son autonomie. C'est non négligeable. Mais c'est insuffisant. Jouer avec lui - à terre parfois, ben oui! - c'est bon pour ben d'autres tites affaires qui lui seront tout autant utiles que l'autonomie dans la vie : le langage, mettons. Les règles, aussi. Mais jouer à quatre pattes, je ne pense pas te l'apprendre, c'est moins agréable que de texter. (Pis si ton IPhone est mort noyé, tu peux même oublier ça.) Faque tu peux pas juste texter. Dommage. De toute façon, si tu t'installes confortablement pour relaxer quelques minutes, c'est bien connu : le verre que ta progéniture tient se renversera automatiquement ou le contenu de son assiette s'évanouira subitement sur le sol ou il aura fini son caca et te chantera de venir l'essuyer ou il aura probablement enduit la télé de crème solaire ou bedon il se sera coupé un bout de doigt avec les ciseaux qu'il aura dénichés dans le tiroir de la cuisine.


Par ailleurs, si tu choisis l'option "reproduction" :


Oublie les conversations ininterrompues.


Sache que ton char, peu importe son état actuel, est propre.


Le caca deviendra inévitablement un sujet de conversation.


Tu t'inquièteras pour le restant de tes jours.


Quand tu partiras 2 heures, tu auras l'impression de partir 2 semaines.


L'heure où tu sors dans les bars deviendra l'heure où tes partys se termineront.


Le café, c'est bon froid.


Le steak, c'est bon froid.


Faire pipi seul, c'est du passé.


Les vêtements (leur couleur, leur tissu, leur étiquette, leurs dessins, leurs rayures, leur longueur, leur grosseur de trou de tête, leurs taches, leur longueur de manches...) peuvent devenir source de conflit.


Si tu trouves que ta blonde change d'idée souvent, t'as rien vu.


Couper des ongles, mettre de la crème solaire et partir à la guerre ont quelque chose en commun.


C'est pas tout, mais c'est un bon départ. Je voulais que tu saches, lecteur qui ne connait pas encore le bon dosage d'Advil à donner à un kid de moins de 2 ans. Je ne pense pas t'avoir convaincu de te reproduire, je sais. Si tu veux des mots réconfortants, tu peux aller lire ceci ou bedon, ça, ou encore celui-là, ou lui, c'est encore mieux... ou ben lui, tu vas tomber sous le charme... Mais je voulais juste que tu saches. C'est facile d'idéaliser, de rêver, de s'imaginer, de s'inventer une réalité, d'emmieuter, de se leurrer, de fabuler, de nier les difficultés. Mais dans la réalité, me semble qu'on ne peut pas tant que ça se tromper. Encore moins faire les choses à moitié.


Les kids, c'est le plus beau défi d'une vie. Mais un défi, on ne le relève jamais sans un peu de broue dans l'toupet.


Faque ton courage, attache-le dans ta tuque avec d'la broche, pis lance-toi tête première et yeux ouverts. T'es capable, même si c'est pas facile.





mercredi 9 juillet 2014

Québécois, je t'aime

On dit que ce qui se passe à Cuba, reste à Cuba. Il m'est alors impossible de partager avec toi, lecteur jaloux, certaines de mes réflexions de bord de mer arrosées de drinks trop sucrés et d'eau trop salée. Tu ne connaîtras donc pas toutes ces interminables et inévitables discussions autour de la texture de nos selles qui allègent invariablement le niveau de langage de chacun de mes voyages. Je ne te raconterai pas non plus de long en large la protubérance sur le mur du resto de fruits de mer qui ressemblait étrangement à un énorme vagin que deux immenses mains auraient ouvert, ni la brillante idée que nous avons eue d'y glisser notre tête pour simuler notre naissance. Tu ne pourras pas rire des nombreux jeux de mots que nous avons ensuite créés avec "noune" puisque noune sommes pas autorisées à les rapporter de là-bas. Tu ne liras pas l'histoire de notre porte qui n'ouvrait plus et des 4 balcons du premier étage que j'ai dû traverser telle Spiderman, au grand désespoir du personnel de l'hôtel qui jugeait cette mission téméraire et impossible, dans le but vénérable de réussir à ouvrir notre porte-patio et ainsi sauver notre soirée et tooooooute notre avant-midi de plage du lendemain. Je ne pourrai malheureusement pas non plus te parler des longues soirées pleines d'étoiles et de lunes orange, ni de tout ce temps qu'on regardait passer, ni du bonheur à n'avoir, pour une semaine, aucune bouche à essuyer, aucun petit corps à coucher, aucune larme à consoler, aucun chiâlage à calmer lors de la séance d'épandage de crème solaire. Il n'est surtout pas question d'aborder le sujet du regard affamé des Cubains, ni de leurs trop nombreux compliments et encore moins des quelques propositions de mariage lancées avec la même légèreté chaque fois et à chaque fille. 

Non. De tout ça, je ne peux pas en discuter.

Par contre, j'avais envie de t'avouer une chose, lecteur envieux. Ça me démangeait de te la partager puisque trop souvent, on la tait. J'ai beaucoup pensé à toi, Québécois, et je dois te dire que, vraiment, viscéralement : JE T'AIME.

Je t'aime parce que la femme, tu te gardes une tite gêne, quand tu la regardes. Je t'aime pour ce respect qui t'empêche de lui dévorer le corps des yeux, même si cette envie peut être flatteuse pour elle, parfois.  Je t'aime pour cette intensité que tu ne distribues pas aléatoirement, à la première venue. Je t'aime puisque malgré que tu ne danses pas si bien, tu sais néanmoins t'amuser. Je t'aime parce que je peux avoir de longues conversations avec toi sans sentir que je te dois une baise ou une fellation. Je t'aime parce que tu choisis précautionneusement celle que tu demandes en mariage. Parce que tu n'as pas le compliment volage. Je t'aime, Québécois,  parce que tu aimes assez la Québécoise pour te forcer à regarder qui elle est, pas juste dans son décolleté.

Merci, Québec, de me permettre de côtoyer des hommes qui savent à la fois désirer et respecter.

Québécois, you rock! (Mais tu pourrais quand même un peu apprendre à danser...)





vendredi 27 juin 2014

Le chum de ma fille

Attablées, nous jasons. Comme les filles que nous sommes. Nos mots passent du plat qu'il y a devant nous à l'année scolaire qui vient de s'éteindre, du nom des amis de l'année scolaire déjà derrière les deux gamines aux joues pleines de soleil aux projets de vacances des deux enseignantes qui viennent de boire leur dernier verre avec leurs collègues. Nos mots sont légers, estivaux.


Tout à coup, alors que je ne m'y attendais pas, sans crier gare, comme un cheveu sur la soupe, au moment où je n'aurais jamais cru la chose possible, soudainement, de façon impromptue, ma fille, fraichement sortie de la maternelle, ma fille, celle-là même à qui je tresse les cheveux chaque matin, ma fille, dis-je, m'annonce qu'elle a... un amoureux!


Glup.


Il a même un nom. Il n'est pas fictif. Elle l'avait invité, à sa fête. Il faisait rire tout le monde. Elle dit qu'elle l'aime bien parce qu'il la fait rire. Mais qu'il n'écoute pas toujours le prof à l'école.


Re-glup.


Elle avoue ne pas penser pouvoir passer toute sa vie avec lui. Parce qu'il lui en reste long à vivre. Elle m'assure lui avoir confié qu'elle l'aime bien. Mais refuse de me répéter les mots qu'elle lui a dits.


Re-re-glup.


J'ai ti manqué un boute moi? Hier, elle apprenait à lire. En sommes-nous déjà à l'inscrire à l'université? Faut ti j'aille mégasiner les condoms moi là?!?


- Ah ben viarge! Ma fille qui a un chum!
- Ben là, quoi? Toi aussi t'en as un, chum! qu'elle réplique!


RE-RE-RE-GLUP!!!! (Et fuite précipitée vers la salle de bain pour essuyer la grosse goutte de l'œuf bénédictine qui a dégouliné sur le flamand rose de ma camisole pendant que j'avais la bouche grande ouverte de béatitude!)


Alors voilà. J'y suis. Je rédige mes conseils de mère à sa fille qui vient de se faire un chum.




1- Continue ta vie. Pendant les six longues premières années de ta vie (glup!), il n'était pas là, et tu étais heureuse, tu te souviens? Intègre-le dans ta vie, mais ne la change pas complètement. S'il prend toute la place, son absence créera un vide si grand qu'il sera difficile à combler.


2- Ne fais pas semblant. Tu es si belle. Je ne parle pas ici de tes grands yeux noisette ou de tes cheveux de sirène. Nenon. C'est de toi dont je parle. De ce que tu ES. De ta bonne humeur, de ta curiosité, de ton énergie, de ton calme, de ta générosité, de ton espièglerie. Ne fais pas semblant d'être ce que tu n'es pas ; tu n'en as pas besoin. Il y en aura toujours, des filles plus, des filles moins. Des filles qui sont ce que tu n'es pas. Et tu ne deviendras pas comme elles, parce que c'est toi que tu es. Et tu es belle comme ça.


3- Parle. Avec tes amies. Avec ta mère, surtout. Ton père, aussi. Tes grand-mères, ta marraine, tes grands-pères... (mais bon, honnêtement, oublie ton parrain. Lui, il pourrait être de mauvais conseil en amour...) (Pis le savais-tu, toi, qu'on écrit "grand" au singulier devant "mères" et au pluriel devant "pères"? Explication.) Bref, quand tu te poses des questions, parle. C'est mauvais de rester dans ton coin à ruminer. Pis ce qu'on garde en dedans finit par pourrir et par puer. Toi seule prendras tes décisions, mais parle. Et écoute.


4- Tu n'es la mère de personne encore. (Dis-moi que je n'ai pas manqué un si long boute!?) Choisis un gars solide. Auquel tu n'auras pas à dire de faire son lit. Qui se lave les oreilles. Qui ouvre les portes, c'est cute. Qui tue les guêpes. Qui sent bon. Qui se coupe les ongles et se brosse les dents. Pis, bon, présentement, je me contenterais d'un gars qui ne fait plus pipi dans ses culottes, mais bah... Vois à ce qu'il ait atteint un niveau de maturité acceptable versus son âge, mettons. J'imagine que de te parler de paiements d'appart, de carte de crédit, de lavage, de compte de cellulaire, ou juste de cellulaire serait complètement superflu. On en reparlera.


5- Ne t'empêche jamais de péter ou de roter. Mais rigole ensuite.


6- Ris. Si tu ne ris plus, pars.


7- La jalousie, ça tue. Fais confiance. Mais s'il aime trop les autres filles, c'est qu'il ne t'aime pas assez. Pars.


8- Aime-toi. Avant de l'aimer, aime-toi. C'est plus facile d'aimer quelqu'un qui s'aime. Et si un jour il ne t'aime plus (je sais, ce n'est même pas envisageable! Mais envisageons donc l'inenvisageable! Just in case...), il y aura toujours ben au moins toi qui t'aimeras. Pis moi. Tsé ben!


9- Pis tsé, je t'en ai déjà parlé : aimer, c'est parfois douloureux, mais jamais autant qu'haïr. Faque aime donc, ma fille, aime en masse.



mardi 10 juin 2014

Fin de la parenthèse


Je les regarde, une dernière fois, tous assis, concentrés, affairés. Ils sont beaux, dans leur petit corps de grand. Je les regarde travailler, faire fonctionner leurs neurones, bûcher, se questionner, surligner. Les cerveaux bouillonnent dans ces petits adultes occupés. Ils ont grandi, en une année. Beaucoup.  C'était inévitable, je savais qu'ils le feraient, sans toutefois me douter de la hauteur qu'ils atteindraient. C'était inévitable, je savais que je les aimerais, sans toutefois me douter à quel point je m'y attacherais.


Je les regarde travailler. Et je reviens dans le passé. Un passé pas si loin, pas si passé.


Certains sont entrés dans ma classe avec, sous le bras, entre leur cahier de grammaire et les feuilles lignées, le désir de me déplaire, la volonté de m'offusquer. Ils sont comme ça, parfois, ils se cachent derrière l'agressivité, leur bouclier. On dirait pas, à les regarder lire et annoter, qu'ils ont tant voulu s'opposer. Je peux le dire sans me tromper : ils ont laissé tomber les armes. Leur lance traine par terre, vestige inutile d'une guerre que je n'ai pas menée. Ceux-là, je les garderais pour une autre année, à les trouver si beaux, désarmés. Ceux-là, j'espère qu'à la prochaine guerre, ils laisseront leur cote de maille dans leur casier.


D'autres, dès le départ, étaient plus discrets, plus secrets, plus renfermés. Et même si leurs mots se font plus rares, j'ai parfois vu leurs yeux, exaspérés ou intéressés. J'ai entendu leurs soupirs, excédés ou découragés. J'ai aussi vu leurs sourires m'encourager. Leurs fossettes se creuser. Et j'espère qu'ils savent qu'au-delà des silences, on peut les écouter. J'espère qu'ils savent que leur force tranquille fut appréciée. J'espère qu'ils ne douteront jamais de cette beauté qu'il y a, dans leur timidité. Ceux-là, je leur dirais de foncer, de prendre leur place, de continuer. Ceux-là, je sais que la prochaine guerre, ils vont la gagner.


Je les regarde, une dernière fois, crayonner, biffer, s'impatienter. Dans quelques jours, la parenthèse va se fermer. Eux et moi, on va se déshabituer. Je les regarderai toujours un peu, de loin, pour m'assurer qu'ils n'ont pas les ailes déplumées. Et, un sourire en coin, parce que je les aurai si souvent observés, je me souviendrai : ils étaient si petits, mes guerriers.

jeudi 29 mai 2014

L'humain domestique

Ne t'en déplaise, lecteur choqué, on est des animaux. J'ose à peine prononcer du bout du clavier le mot "instinct". On m'en avait parlé avant que j'accouche d'une petite fille inconfortable qui avait la larme facile. J'y avais cru, à cet instinct. J'avais cru que je saurais quoi faire, que je n'aurais qu'à le suivre. Ben après 8 mois de réveils aux 45 minutes, je ne savais plus grand-chose. La seule chose que je savais, c'était que je ne savais rien pantoute. Faque l'instinct, tsé.


Non. Je n'ose pas parler d'instinct. Puisque dans l'instinct, il y a quelque chose d'irréfléchi. Non, nous, on réfléchit. Bon, toi, je ne sais pas, mais moi, oui. Trop. Même que des fois, je réfléchis à comment je réfléchis. Le pire, c'est de réfléchir à comment moins réfléchir. Parce que moins réfléchir beaucoup, c'est plus réfléchir moins, et ça, ce n'est pas facile pour moi. Et mes pensées courent plus vite que moi, c'est pas difficile, alors je dois les laisser aller de temps en temps, pour les épuiser.


Donc, je disais, lecteur déboussolé, que l'instinct est mort. Ou presque. Peut-être en reste-t-il un peu, mais je nous compare plutôt à un animal domestique : notre instinct a été humanifié. Nos sens se sont désaiguisés, on se protège la reproduction, on a épicerifié la chasse, poissonnerifié la pêche, on a maquillé la parade nuptiale, pis on l'a fait bronzer, pis on lui a rajouté des faux-cils, pis des beaux ongles, pis des muscles sur mesure. Pourtant, même si certains ne savent même plus allumer un feu (je ne parle pas ici d'essayer de faire un feu avec du bois gelé au mois d'avril pis de mettre le bac de recyclage au complet dedans en espérant qu'il pogne pour finir avec un show de boucane parce que la glace, ça brûle pas!), parfois, reste que notre cerveau reptilien a encore un certain pouvoir sur nous.


Prends la notion de territoire, lecteur-qui-se-demande-encore-si-j'ai-vraiment-fait-un-feu-avec-du-bois-gelé. Tu me diras qu'on ne le délimite plus en pissant tout autour. Je te répondrai, pour te réconforter, que moi, non, j'te jure. Mais que des affaires bizarres, il y en a plus qu'on pense, si je me fie au gars qui sort avec des poupées gonflables pis à la fille qui mange les cendres de son mari mort à Canal Vie. Mais je sais, en général, on ne pisse plus partout.


Cependant! La notion de territoire n'est pas perdue pour autant. On a d'abord un territoire physique, qu'on barre chaque matin, qu'on clôture, qu'on code d'accèssifise pis qu'on système d'alarmise. Mais au-delà de ce territoire physique, il y en a un autre, plus subtil, qu'on défend : notre territoire humain.


Bon, là, je t'entends partir en peur, lecteur insurgé, avec ton ton catastrophé : "Personne n'appartient à personne! On n'a pas de possession humaine, chacun est libre! La possessivité, c'est mal. Pis la jalousie aussi. Pis la drogue! Pis la guerre! Pis... " Wô! Du calme, lecteur emporté. Si personne ne nous appartient, faudrait penser enlever les déterminants possessifs devant les mots "chum", "blonde", "ami(e)", "amant". Il y a, du moins langagièrement parlant, une notion de possession dans chaque relation. Aussi insignifiante soit-elle : mon garagiste, mon vendeur d'assurances, mon boucher... mon poisson rouge.


Faque. Ma théorie, c'est qu'à partir du moment où il y a possession, qu'elle soit réelle ou qu'on ne la retrouve que dans le déterminant, il y a défense du territoire. Territoire qu'il faudra apprendre à défendre avec la bonne intensité.


C'est vrai! Si tu fréquentes un gars depuis deux semaines, il vaudrait mieux éviter de laisser volontairement tes bobettes dans le salon, tes bas sales à côté du lit pis ta brosse-à-dent à côté de l'évier. Ça pourrait lui faire un peu peur.


Si, quand tu chasses ton steak à l'épicerie, tu caresses subtilement le bras du chasseur musclé qui reluque le veau haché, il se peut qu'il te regarde de travers. Pis si sa blonde est à côté, en train de tendre un piège au canard, tu vas mieux savoir ce que je veux dire par notion de territoire. Vaut mieux lâcher les beaux muscles sur mesure que tu tâtonnais et maudire ton camp.


Dans l'univers masculin, la protection du territoire est peu subtile. J'imagine que le fait de jadis uriner à qui mieux mieux les a habitués à un comportement plutôt direct. Le gars qui fait son territoire le fait physiquement. Il se rapproche de sa possession, la ramasse par les épaules, lui sacre un french pis, au besoin, décoche un uppercut à celui qui tente de forcer la note. Ceci dit, certains ont l'uppercut facile, d'autres sont plus pacifiques.


Dans l'univers vénusien, toutefois, la game est plus compliquée. Il ne s'agit pas, chez la dame, de démontrer que l'on possède physiquement une personne, puisque cette possession est assez simple en soi. Non. Évidemment, on se tarabiscote ça, la protection de territoire. Chez la femme, pour créer le même effet que l'urine chez l'animal ou l'uppercut chez l'homme, il faut démontrer qu'il y a une INTIMITÉ entre soi et l'autre. Et crois-moi, cette intimité peut être de tout ordre : amicale, sexuelle ou amoureuse.


Tu ne vois pas de quoi je parle, lecteur incertain? Voilà quelques exemples dans lesquels tu sauras bien nous reconnaître. Les "insides" racontées l'une après l'autre devant celle qui voudrait mettre le pied (ou la main...) sur ledit territoire. Les trop nombreuses références à des anecdotes passées, à des moments communs, à des fous rires pu arrêtables. Les gorges invariablement et exagérément déployées. L'attention centrée sur la personne convoitée et l'ignorance intentionnelle et exagérée de celle qui tenterait inopinément de s'incruster. Observe la gente féminine, lecteur incertain. Tu verras dans les yeux un peu de dédain. Tu reconnaitras parfois la moue hypocrite d'une tigresse prête à passer à l'attaque.


Ce n'est pas que je nous hais, les filles. Mais des fois, je nous trouve sournoises. Et ça me désole. J'envie l'uppercut masculin. J'envie sa simplicité, son manque de subtilité et de raffinement. Pourtant, ces séances territoriales qu'on m'impose parfois m'amusent plus qu'elles ne me déplaisent. Je les épie avec le sourire. Et je tente de me convaincre que les filles ne sont pas compliquées. Et j'échoue. Et je tente de m'expliquer cette torture toute féminine. Et j'échoue.


Alors, je nous excuse, les gars. Je suis désolée. J'aimerais vous dire qu'on va changer, qu'on va se directifier. Mais j'en doute. Il va falloir t'y faire, lecteur découragé et lectrice compliquée, l'instinct est mort, mais nous ne sommes pas totalement domestiqués.

mardi 20 mai 2014

Fucking Four




Quatre ans. Le temps d'une respiration. Ou une éternité, selon les perceptions. 


Quatre ans, déjà (j'parle comme les vieilles, je sais...), qu'il est né, mon fils. Quatre ans, déjà, qu'une petite boule de vie m'a appris qu'il y a plus de place que je croyais dans la mienne. Parce que pour en prendre, de la place, il en prend. Pas question que sa place ne prenne pas assez de place.


Quatre ans, qu'il a, mon fils, donc. Il devait se calmer le Terrible Two avant d'entamer le Fucking Four, mais il a oublié. Ou bedon je ne l'ai pas remarqué.


Pourtant, avec lui était née une certitude : celle que je l'aimerais. Pour toujours. (Il est rare qu'on puisse employer ce mot-là, toujours. Il est trop gros, généralement. Trop puissant. Trop fort. Tellement qu'on en a peur!) Donc, pérorais-je, je savais que je l'aimerais, ce nouvel humain.


Maaaaaais (parce qu'il y en a un!), je ne connaissais pas les obstacles qui allaient se dresser devant cet amour de mère encore frais, galopant sous le soleil de mai à travers les pissenlits.


Je ne savais pas encore qu'un jour, il beurrerait son lit avec son caca avant de me rire dans la face quand j'irais le chicaner.


Je ne me doutais pas qu'avant même de mesurer un mètre, il cracherait par terre en me regardant dans les yeux, alors que je venais de le sommer de ramasser la bave visqueuse qu'il avait déjà projetée sur le sol quelques secondes plus tôt.


Je n'avais aucune idée qu'il passerait les longues heures de nos premiers voyages en Gaspésie, à Tadoussac et à Gougounequit à hurler dans la voiture, épuisant ainsi les minuscules réserves de patience que j'avais mises de côté pour la route et réduisant à néant l'effet des Advil sur ma migraine fulgurante.


Je ne pensais pas qu'un jour, il puisse patiner à la grandeur du salon avec deux DVD loués sous les pieds.


Je ne croyais pas un jour avoir à m'obstiner quotidiennement pour le design des bas, les coutures de bobettes, des étiquettes de pantalons, le sens des chandails, la force du push-push de la crème solaire, le goût de la pâte à dent, la couleur des verres, la longueur des fourchettes, le roulage des manches, la forme du découpage des toasts, la longueur de la boucle du soulier, la technique d'épandage de la doudou sur l'oreiller, le nombre de becs, la quantité de tites autos dans le lit, les moments d'aller pisser, de dormir, de manger, de pu manger, de boire, pu boire, jouer, pu jouer, courir, pu courir...


Il m'était impossible d'imaginer le nombre incalculable de "caca" et de "pénis" qui puissent être répétés en une seule journée malgré mes protestations.


Il a besoin de place, mon petit humain. Il a besoin d'une place, parfois n'importe quelle, même si elle n'est pas la meilleure. Et il est tenace, mon garçon. Mais il n'est pas le seul. Je n'en ferai pas un p'tit crisse, crois-moi, lecteur-partiellement-découragé-d'avoir-un-jour-des-kids. Je suis la seule qui puisse l'aimer autant malgré tout. Alors je l'aimerai. De toute ma patience, je l'aimerai. Avec toute ma fermeté, je l'aimerai. Assez pour ne pas le laisser prendre une place de marde, question qu'il puisse voir le show qui passe et qui passe trop vite. De toute ma solidité, je l'aimerai. Je l'aimerai inconditionnellement. Assez pour qu'il finisse lui aussi par s'aimer assez. Et finalement, malgré son entêtement et à cause du mien, ma certitude restera une certitude.


Pour toujours.


...Pis quand il aura oublié de prendre un break entre le Fucking Four et l'adolescence, je t'écrirai un autre texte, lecteur loyal.



mercredi 7 mai 2014

Le jour de la marmotte

C'est pas vraiment que j'veux m'plaindre, c'est pas que j'aime pas ma vie, c'est pas que j'en suis au point de me balancer en position fœtale au beau milieu d'Henri IV, mais j'ai un peu envie de me répandre. Je t'explique, lecteur empathique. Être prof de secondaire deux et mère de deux gamins, c'est comme travailler sur la construction et se bâtir une maison en même temps. Ça manque de diversité. Il y a là comme une légère redondance dans ta journée. Tu fais exactement la même affaire du lever, pratiquement jusqu'au coucher. Ta job, elle ressemble trop à tes soirées. Ben non, lecteur désappointé, je n'enseigne pas le schéma narratif à mes enfants!!! T'es drôle! Nenon, je t'illustre plutôt que de t'expliquer.


7h00


- Mamaaaaan? Oli m'a donné un coup de livre sur la tête!
- Non, c'est pas moi, c'est elle qui m'a fouetté avec sa doudoooooou!
- Oli, habille-toi!
- Mamaaaaaaan, Oli s'habille pas!
- Ouiiiiii, j'm'habiiiiiille! (Avant de passer, flambant nu, devant la porte de la salle de bains.)
- Mamaaaaan!!! J'trouve plus mon livre de la bibliothèèèèèèque!
- Moi j'ai perdu ma tite autoooooo...
- Charlotte, peigne tes cheveux, je m'occupe de ton livre! Oli, habille, sinon tu resteras tout seul en haut quand je descendrai!
- Je sais pu sont où, mes pantalons...
- Mamaaaaaaaan? Oli s'habille paaaaas!
- Charlotte, c'est pas toi la mère.
- Je sais!!!
- Ben laisse-moi gérer ton frère.
- JE SAAAAIS!!! (Le ton adolesce tant qu'il le peut, les yeux roulent caricaturalement vers le haut et le soupir poussé ensuite laisse croire qu'elle a une cinquantaine de bougies à souffler sur son gâteau de fête, sauf qu'y a pas de gâteau, lecteur gourmand.)
- Ben si tu sais, descends pis arrête de jouer à la mère supérieure.
- Aaaaaaaah!!!
(Exaspération naissante et retour à ma recherche infructueuse du viarge de livre de la viarge de bibliothèque.)
- Oli, as-tu fini de t'habiller?
- ...
(Recherche intensive sous le lit, sous les draps, à travers le linge, fouille craquale du divan (bon, je sais, un livre dans les craques du divan, c'est impossible, mais c'est un réflexe de chercher là!), fouille du congélo (tsé, quand t'es désespérée!).)
- Oliiiiii, es-tu habillé, là???
- ...
- Oli?
 (Curiosité naissante... Déplacement subit de mon intérêt du livre vers le silence louche qui envahit l'étage...)
- Ah, voilà... il était là, le livre... (m'exclame-je, en attrapant le fugueur, bouche-bée soudainement devant la vision de mon fils, pénis en liberté, qui a tout de même enfilé son chandail à l'envers sur ses jambes après avoir délicatement renversé tout le contenu de l'humidificateur sur le plancher flottant (c'est maintenant tellement le cas de l'dire!) de sa chambre!)
- Pis t'es même pas habillé...
- Ouiiiii, j'suis habillé...




8h51, entrée des élèves dans ma classe.


- Madaaaaaaaaaaaame! Il a pris mon étuiiiii! (Ton geignard, beaucoup trop pour le physique imposant de celui qui se plaint.)
- Ben là, Madame, c'est lui qui m'a volé mon livre en premier!
- Redonnez-vous donc les deux vos affaires, me semble que c'pas difficile à régler. En avez-vous d'autres, des faciles de même?
- Ouin, redonne-lui donc, vous êtes ben tannants!
(Bousculade à travers les bureaux pour rapatrier leurs objets respectifs.)
- Les gars, lâchez-vous, sinon j'vous sors avant même que le cours commence.
- Madaaaaaaaame? J'ai perdu mon document sur les participes passés!
- Attends un peu, je t'en trouve un autre. Les gars, assoyez-vous à votre place, vous avez trop d'énergie, j'suis en sevrage de café, moi!
- Madame, c'est pas moi, c'est lui qui veut pas me redonner mon étui.
- Les gars, faut ti j'vous envoie dans vos chambres, là?
- Ah, redonne-lui donc, vous êtes ben bébés!
- Aye, Chose Bine, c'tu toi, l'prof?
(Rires gras, étui qui atterrit bruyamment sur le bureau. Document des participes passés introuvable, recherche intensive et infructueuse sous mon cahier, sur mon charriot, à côté de l'ordi, derrière le tout nouveau et flamboyant tableau interactif (sait-on jamais!), sous le bureau.)


8h55, début des cours, dernière cloche.


- Madaaaaaaaaaame? J'peux-tu aller boire?
- Heu, non, tu viens juste d'entrer dans la classe, c'est pas pour ressortir!
- Ben là, pourquoi?
- Fais "rewind" pis "play", ok?
- Madaaaaame? L'avez-vous mon document sur les participes passés, je l'ai vraiment perdu!
- Ben là, Madame, c'est pas bon de se retenir longtemps!
- Tu viens pas de me demander d'aller "boire", toi?
- Heu... ben... oui, mais... tsé, genre... se retenir d'aller boire là!
- Bon, lâche prise, là, j't'ai répondu. Si tu sors, tu ne rentres plus.
- BEN LÀ!!! (Le ton adolesce, tu le sais, lecteur perspicace! Et les yeux s'insurgent!)
- Ben oui, c'est ça, c'est d'même!
- Pffffff! (Le soupir est tellement puissant qu'il aurait éteint à lui seul les gâteaux de jumelles centenaires!)
(Exaspération grandissante... Pourtant, en prenant mes absences, je continue tout de même à fouiner dans mon cartable pour le document des participes passés, tout en distribuant les feuilles de révision de l'examen du MELS et ce, en ramassant une copie de pratique d'écriture remise en retard et en tentant de boire une gorgée de café que mon fils m'a empêchée de prendre ce matin à cause du dégât sur son plancher-pu-si-flottant-que-ça que j'ai dû éponger en l'aidant à se rhabiller correctement et en lui expliquant, à travers ses larmes, que non, il serait impossible de laisser son lac là pour qu'il y joue avec ses bateaux ce soir, gorgée de café qui dégoûte inélégamment sur mon bureau et que j'essuie négligemment avec un mémo de la direction que je tiens dans les mains.)
- Voyons! Y'a pas quelqu'un qui a vu passer le document sur les participes passés, je cherche mes copies!!!
(Silence trop rare dans mes journées, mais qui pourtant, n'augure finalement jamais rien de bon...)
- C'est pas ça que vous avez dans les mains depuis tantôt... le truc plein de café là?
- ...




Je t'épargne le reste de ma journée. Et ma soirée.









jeudi 24 avril 2014

Qui n'a pas de mémoire doit avoir des jambes

J'ai toujours rêvé de réaliser un record Guinness. Quand j'étais jeune, mon moniteur de terrain de jeux avait réussi le record du plus grand nombre de push-up en une minute : puissant, viril, spectaculaire. Tout pour faire frétiller les ovaires encore naïfs des gamines et grimper en flèche la testostérone novice des petits hommes.


Cependant, mises à part quelques habiletés ridicules, je ne savais rien faire qui puisse mériter d'entrer dans les records.


Je sais bouger mes narines et mes oreilles. Je sais lever un sourcil indépendamment de l'autre, et même faire avec eux la vague si je suis vraiment en forme. (D'ailleurs - parenthèse - la dextérité du sourcil permet une grande flexibilité sur le plan de la démonstration des émotions telles que l'incrédulité - un seul sourcil levé accompagné d'un mouvement de tête du même côté - ou la réflexion - un sourcil à la fois est tiré vers le haut en alternance avec l'autre, accompagné cette fois d'un son grave (habituellement heeeeeu ou mmmmmm) et parfois même d'un mouvement de bouche qui se tord à la recherche d'une réponse satisfaisante. (Si mon voisin est présentement en train de m'espionner, il doit se demander si je pratique un genre de cross-fit du visage...) Fin de la parenthèse.) Je sais tenir en équilibre sur mes bras, les deux genoux accotées sur un de mes coudes, les jambes parallèles au sol. (Z'êtes pas en train d'essayer là? Voilà ce dont je parle, pour les visuels.) Je suis capable, et je sais, je suis dégueu, de virer mon annulaire à l'envers jusque sur le dessus de ma main. (Cette fois, je n'ai pas trouvé de photo, lecteur dégoûté.) Je fais aussi quelque chose de bizarre avec mon coude qui fait invariablement crier tous mes élèves quand je leur montre. Mais à part épater la galerie, mes habiletés sont totalement inutiles.


Le pire, ce sont mes habiletés mentales.


Certains retiennent les numéros. Pratique. Moi, je retiens les paroles de tounes : pars-en une, je la continue. Fais attention aux mots que tu emploies, s'ils ressemblent à ceux d'une chanson, je la chante. Je retiens des slogans. Des vers. Des répliques entières de films. Bref, des mots. PAS pratique.


D'ailleurs, dans mon cerveau, les mots qui prennent inutilement beaucoup trop de place, ce sont les proverbes. Ils entrent, se faufilent et trouvent dans mes neurones un endroit propice à leur installation permanente. Ils se creusent un solage, construisent des bloc-appartements et forment un guetto parce que, c'est bien connu, qui se ressemble s'assemble. Et ils tentent inopinément de s'introduire dans mes conversations. Je les fais taire parce que celui qui sort toujours un proverbe a terriblement l'air pédant et que parfois, aux yeux du sot, la parole du sage semble une sottise. Mais vous devriez les voir me traverser le cerveau tels des éléphants hyperactifs dansant entortillés dans le kit de lumières de Noël. Ils sont beaux, ils ont encore l'innocence de croire qu'ils sont à la mode, qu'on cherche le meilleur d'entre eux à la fin d'un texte en guise d'ouverture dans une conclusion. Et parce que la naïveté est l'opium des êtres blasés et que je reste persuadée qu'il n'y a qu'un malheur, celui d'être cynique, je leur laisse croire qu'on leur accorde l'importance qu'ils méritent.


Et je tente de construire les miens, des proverbes avec mes propres verbes. Parce que je suis autonome de la réflexion. Parce que la pensée est l'exercice de l'intelligence, comme un bench press du cerveau. Parce que j'aime les acrobaties des mots. De la pensée. Leur flexibilité.Un genre de yoga des idées. Et ces beaux mots tournent inlassablement dans ma tête, faute d'en sortir, et m'empêchent de dormir. Et c'est en noir que je vois la nuit puisque dans l'insomnie, tout s'agrandit ou s'amenuise, comme un écart de mémoire qui nous livre aux erreurs de mensuration.


Et j'apprivoise tranquillement ces mots qui veulent devenir grands. Je les couche sur mon écran en toute connaissance de prose. Je suis réaliste, lecteur étourdi : jamais ma mémoire des mots ne me fera gagner un record Guinness.


Alors pour pallier l'absurdité de mes habiletés, je vais continuer le cross-fit qui me fait souffrir le corps depuis deux semaines. Qui sait ? Peut-être que je battrai le record de push-up de feu mon moniteur de terrain de jeux?


Ce qu'il y a de plus criminel au monde, c'est l'absence de naïveté.
Read more at http://www.dicocitations.com/citations-mot-naivete.php#wR4a4s6TQmHEEQzE.99
Ce qu'il y a de plus criminel au monde, c'est l'absence de naïveté.
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Ce qu'il y a de plus criminel au monde, c'est l'absence de naïveté.
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mardi 8 avril 2014

Poisson rouge

La mémoire est une faculté qui oublie, c'est bien connu. D'ailleurs, par chance. Imagine, lecteur fort probablement déjà convaincu, qu'il soit possible de se rappeler, de façon intégrale, chaque douleur, chaque rejet, chaque humiliation, chaque colère, chaque deuil... La vie ne vaudrait plus la peine d'être vécue, lecteur dépressif, après la pluie n'apparaitrait jamais le beau temps. Un peu comme ce pénible printemps...


Après une première cocufication, plus personne ne chercherait à être un couple. La jalousie nous ramènerait incontestablement vers le célibat le plus assumé. Si on se souvenait réellement, la notion de couple disparaitrait inévitablement.


Et plus personne ne prendrait de risques, aussi minimes soient-ils. Le souvenir de la douleur serait beaucoup trop vif. Tout le monde ferait comme moi, sportive sociale, et arrêterait de jouer à la balle (après six longues années d'efforts infructueux) après avoir reçu sur le bras un relais du deuxième au premier but. Ou de faire du rollerblade après s'être patiemment arraché les cailloux incrustés dans le genou. Ou de courir après... ben après sa première course du printemps là...


Au moins, plus personne ne prendrait le volant après avoir bu puisque plus personne ne boirait. Et même que plus personne ne conduirait après, un jour, comme moi, avoir gravi, de reculons, le mur du centre de du Vallon.


Une chance que la mémoire oublie. Sinon, plus personne n'aurait d'enfants. Encore moins par voie vaginale. (D'ailleurs, pourrait-on me présenter celui qui a nommé le vagin ainsi... parce que j'aurais quelques mots à lui dire concernant la sonorité dudit mot. Pas de danger que ce soit cute, non : VAGIN... Un v et un g dans le même mot, ça peut pas être beau!) (Je viens ti juste d'écrire vagin en lettres majuscules dans un de mes textes, moi!? Nice!!!) Personne ne voudrait revivre les interminables nuits, les interminables crises, les interminables pleurs, les interminables matins, les interminables inquiétudes. PARSONNE.


Cette mémoire qui oublie, c'est elle qui nous permet de continuer. De recommencer. De persévérer. D'espérer. De persister. De réessayer. De poursuivre. De croire. D'aspirer. De vivre.


Certains, d'ailleurs, ont la mémoire plus courte que d'autres. Ils ont cette faculté de tourner la page. De ne pas laisser la vie laisser ses traces. Ils ne regardent pas derrière et foncent. Ils semblent heureux, insouciants. Et il y a ces autres, ceux qui sont marqués par le passé, par les douleurs gravées. Ceux qui apprennent trop, qui retiennent trop. Ils ont le front préoccupé.


Et il y a le Québec.


Dont la devise est "Je me souviens".


Mais qui semble trop vite pardonner. Qui semble trop vite effacer, éponger, gracier. Qui semble trop vite oublier.


Il y a ce Québec, dont je suis amoureuse, qui dit se souvenir, mais qui a choisi de retourner avec son ex malgré le mal qu'il en a dit, malgré la haine qu'il a ressentie, malgré sa trahison, malgré ses bâillons, malgré ses lois imposées, ses discussions avortées. Malgré ses nombreuses cocufications.


Québec, je suis en berne. Tu as la rancune molle, tu as l'animosité fragile, tu as l'hostilité débonnaire.


Québec, tu oublies vite, mais tu apprends peu.









mardi 1 avril 2014

Ces mots


Ils transportent, emportent, enivrent. Ils parlent, jurent, rassurent. Ils évoquent, crient, hurlent. Ils aiment ou assassinent. Ils font rougir, blêmir, rire, déprimer, croire et douter, perdre, gagner, rêver, mépriser, rester ou tout quitter. Ils rendent confiant, fou, amoureux, amoureux fou. Ils salissent, contrôlent, découragent et tuent.


Ils dépassent la pensée, parfois. Parlent sans penser. Il faut les peser. Fouiller, chercher les bons. Ceux qui ont le bon poids, la lourdeur ajustée. Ceux qui ont les bons sons, la bonne signification. Le bon sens, du gros bon sens, ceux qui provoquent la bonne sensation. Ceux qui sonnent, résonnent et donnent un sens à ma... oups, je m'égare, lecteur dérouté, ce ne sont pas les miens, ceux-là.


Je les aime crus. Drus. Efficaces. Je les aime doux. Passionnés. Ardents. Je les aime beaux. Je les aime vrais.


Certains déchirent, blessent. D'autres consolent, bercent.


Pourtant, invariablement, je les aime lents. J'aime qu'ils prennent leur temps. Je les préfère réfléchis, assurément. Les mots sous pression, très peu pour moi. Je les préfère préparés, bien habillés et coiffés. J'aime qu'on les ait cultivés, mijotés, prémédités. Je les aime bien apprêtés, pas pressés.


On les garoche pourtant trop souvent. Comme s'ils étaient sans importance : un vieux bas puant trainant auquel on ne touche que du bout des doigts. Et on les échappe. On heurte invariablement. On les encaisse, on les digère amèrement. On les nie. On les ressasse. On les tourne dans tous les sens. Et parfois même, on les ramasse. On les repasse un peu et on les relance.


Et c'est pourquoi je les écris, parce qu'ils sont alors mieux choisis. Il faut prendre le temps pour les lire, eux qui ont pris le leur pour s'écrire.



samedi 15 mars 2014

Le sens

Dans un monde tellement défectueux, au beau milieu de l'égocentrisme, malgré la haine et la laideur, on met au monde.


Dans une vie pourtant imparfaite, au beau milieu de nos défauts, malgré nos peurs et nos doutes, on donne la vie. Pour la vie. 


Et on apprend. On apprend à laisser vivre. Au beau milieu de cette jungle, malgré l'inquiétude, malgré l'angoisse, malgré la peur, on les laisse vivre. Et ils apprennent à voler. Ils s'autonomisent. Et on les pousse. On les pousse à pousser.


Et on se soucie qu'ils poussent bien. On se soucie sans cesse. On se soucie constamment. Terriblement. Et tout ce qu'on fait désormais a un autre sens. Un autre poids. L'erreur, cette fois, on ne se la pardonnera pas totalement. Et on se demande parfois pourquoi on a voulu ça. Pourquoi, puisque c'est si encombrant? Pourquoi, puisque c'est si responsabilisant? Si étonnamment prenant, pesant? Et on se surprend à rêver de notre vie d'avant. De légèreté, de spontanéité, d'insouciance, d'inconstance. De poutines à quatre heures du matin. D'imprévus quand on n'a rien. D'expériences. D'intense. De nonchalance. D'indifférence. D'indépendance. Mais on a un souper à préparer, des chicanes à réconcilier, des larmes à essuyer. Et on soupire. Parce qu'on manque de solitude. Et on bâille. Parce qu'on manque de sommeil. Et on essuie des nez. Et on lit des histoires. On routinise en s'ennuyant de l'impromptu. On ritualise en cherchant l'improviste. Et au moment où on se convainc que cette vie-là, c'est trop pesant. Au moment où on a presque envie de baisser les bras. Au moment où on sacrerait pas mal toute ça là, on entend, venue d'en bas, une toute petite voix qui n'a besoin que de si peu d'arguments. Une toute petite voix qui tire sur nos culottes en claironnant : "Je t'aime maman." 


Et tout reprend son sens.





samedi 8 mars 2014

Petits yeux

Ils nous prennent tout notre temps. Notre énergie, un peu aussi. Pis notre argent, faut le dire. Ils nous occupent, nous exaspèrent, nous font rire, nous réveillent, nous émeuvent, nous salissent, nous grimpent dessus, nous rentrent des coudes dans les yeux, des tites autos dans nos bottes, nous inquiètent, nous imitent, nous déstabilisent. Nous enseignent. Nous font grandir.


Parce qu'ils savent, sans le savoir, comment être heureux. Et si on les scrute juste un petit peu, on apprend.


Parce qu'ils savent, sans le savoir, quel regard porter. Quels yeux utiliser. Comment s'émerveiller. Regarder le beau dans l'ordinaire. Arrêter de courir, de penser, de ruminer. Ralentir. Juste voir. Et profiter. Parce que la vie est plus belle quand on la déguste. Quand on s'attarde. Quand on prend le temps.
 
Parce qu'eux savent, sans le savoir. Ils savent observer. Découvrir, toujours. S'étonner. Et s'exclamer. Se laisser fasciner, subjuguer, captiver, éblouir, impressionner. 


"Regarde chaque jour le monde comme si c'était la première fois", écrivait Éric Emmanuel-Schmitt. Il l'avait compris, lui aussi.


Ils savent. Et moi je copie sur eux.