mercredi 19 avril 2017

Road trip et brocante

Monsieur Yvan, il remplit sa maison de meubles qu'il remplit de vaisselle antiques, de cendriers à ma grand-mère, d'outils ancestraux, de verres qui ont bu beaucoup, de vieux téléphones lourds, de boîtes de métal pis de couteaux de bouchers morts depuis ben longtemps.

Monsieur Yvan, il fait les meilleurs prix,  parce que monsieur Yvan, c'est pas un antiquaire.
Y vend juste plein de vieilles affaires,
des vieilleries.
Il brocante du vieux pas parfait mais avec plein d'histoires en arrière.
Ses meubles ont une vie, un récit.

Chez monsieur Yvan, c'est pas fini. 
C'est tout croche pis faut se frayer un chemin entre les établis, 
passer en-dessous des chaises qui garnissent le plafond 
pis éviter de s'enfarger dans les vieux bâtons 
de hockey pis les machines à écrire qui ont beaucoup trop écrit.
Chez monsieur Yvan, ça sera jamais fini.
Ça va toujours sentir le banc de scie.
Pis la cigarette un peu aussi.

Mais chez monsieur Yvan qui brocante, ce qui est certain, c'est que les objets ont une vie. Pis il la raconte avec du brillant dans l'iris, à qui fait sonner sa petite cloche à l'entrée,  
même à Noël, à l'année.
Même à Pâques.

M. Yvan n'antique pas, il brocante.




mardi 14 février 2017

Adieu, char mart


Mon cher char mart virgule

Alinéa On en a fait, du chemin, toi et moi. T’en as vu, des bouts de ma vie. Mais là, t’es MART!!! (Oui, oui, lecteur ahuri, je CRIE en majuscules, le moment est grave!) C’est pas toi, qui vas venir avec nous en Gaspésie cet été!!!! C’est pas toi qui viendras nous porter à l’aéroport!!!! C’est pas toi qui iras chercher les enfants à l’école, le soir!!!! NON, PARCE QUE TU ES MART! …Très mart. Trop maaaaart. (Le ton est plaintif, tu l’entends, lecteur compatissant?) C’est un autre qui nous entendra chanter du Mumford & Sons. Hurler un peu, j’avoue. Fort. Un peu fort des fois. C’est un autre que toi qui portera ma planche jusqu’à la rivière. C’est dans un autre char que les enfants laisseront trainer des graines de muffins, des billes, des bouteilles d’eau, des cailloux, des lunettes fumées, des tites autos, des papiers de bonbons, des pelures de bananes et des cartes douteuses d’un jeu de Pokemons dont je ne comprends pas les règles. Ce ne sont plus tes oreilles qui entendront l’exaspération de ma fille pour son frère et les grandes émotions de mon garçon.  Ben non!!! Parce que t’es MART, merde! 

Changement de paragraphe

Alinéa D’ailleurs, j’ai déjà commencé à te remplacer. J’en ai vu des plus jeunes. J’en ai vu des plus forts. Mais ils ne sont pas comme toi! Ils n’ont pas une belle ti poque cute sur le bord du bumper parce que j’avais un peu accroché le char de mon père. Pis une en avant parce que j’avais un peu avancé dans un stationnement au lieu de reculer. Ils n’ont pas tes joyeux caprices de givre dans les fenêtres ou de porte qui s’ouvre et se ferme seule selon la pente dans laquelle je t’ai stationné. Non. Les autres, les portes ferment à la perfection. Mais les autres, ils n’ont pas vu les huit dernières années de ma vie. Les voyages à Gougounequit, dans Charlevoix, à Montréal, en Beauce, à Pont-Rouge, à Tadoussac, pis en Gaspésie. La naissance de mon garçon et les premiers mots de ma fille. Les autres, ils ne sont pas toi. (Parce toi, t’es MART viarge!) 

Changement de paragraphe, encore

Alinéa Mais t’en fais pas pour moi. J’accepte ta mart avec zenneté et une veine d’éclatée dans le cou. Et je serai heureuse à nouveau. Crois-moi. Avec un autre cette fois. Un char pas mart. Un vivant! Un qui m’amènera sur les chemins d’été. Défiant le soleil et l’immensité. Pis checke-moi ben l’aimer. Pis le laver, lui. Des fois. Au moins une fois tous les deux ans, promis. Juré. Craché. Et lorsque mon fils lui aura botté un ballon de soccer dans les dents, que ma fille l’aura barbouillé de ses doigts dans les fenêtres et que j’aurai inondé le porte-gobelet de café brûlant, je saurai qu’il fait partie de la famille. Malgré les bisbilles d’enfants.  Parce qu’il sera imprégné de nous comme tu l’es présentement.  Je t’en veux un peu, que tu sois MART sans avertir, sans crier GARE, char mart. Je te laisse partir puisque c’est ce que tu désires. Ton suicide laissera des traces indéniables, indélébiles. Dans mon portefeuille. Et dans mes souvenirs. Il est temps que j’essaie de clore, char mart! De passer à une autre histoire. J’irai pas te voir à la cour à scrap, c’est mieux pour nous deux.

Pis pour cette image de toi que je garderai en mémoire.

Parce que là t’es mart, char mart.

Veuille agréer, mon cher char mart, mes salutations les plus sincères.

Ta pu fidèle et endeuillée propriétaire,


Marie-Luce Higgins