mercredi 23 juillet 2014

Ma vie avant ma vie

En psycho, au cégep, j'ai dû faire un travail long sur ma vie avant ma vie. "Ah, la psycho!" soupires-tu probablement en ton for intérieur, lecteur dégoûté. Nenon! Détrompe-toi! Sache qu'avant même de vivre, j'avais déjà du vécu.


D'abord, j'ai failli me faire tuer à 3 reprises. Ça te rend l'extra-utérin alléchant, ça. Pis pas juste un peu tuer, là. Beaucoup tuer!


Pour faire une histoire courte : au travail, ma mère s'est sauvagement fait attaquer par un classeur. Un escalier complet s'est littéralement dérobé sous ses pieds alors qu'elle tentait simplement de le descendre (peut-être avait-il peur de la mort? ... descendre... descendre... ok, ok... je la travaille celle-là.) Et pour couronner le tout, une charrue a férocement embouti la voiture dans laquelle je me trouvais, bien endormie contre mon placenta.


Je connais la réplique qui te vient à l'esprit, lecteur espiègle. Je le vois, ton air taquin, ton sourire en coin et ton sourcil relevé qui veut me dire : "Aaaah, ça explique tout!" Non. Ça n'explique pas tout. Je pourrais te conter la fois où mon père m'a oubliée à la disco, au primaire. Ou bedon celle où il a négligemment jeté ma perruche morte, Pico de son prénom, dans la grosse poubelle verte de l'entrée en me pensant trop épaisse pour la trouver là. Ou encore toutes ces fois où il racontait mes pires bévues devant chacun de mes nouveaux chums. Ça, ça explique tout!!!! Mais bon. Je ne le ferai pas. Tu connaitrais alors l'ampleur de ma folie...


Il y a toutefois une chose que j'ai apprise en rédigeant ce travail long : j'aurais dû avoir un jumeau. Ou une jumelle. Pour faire bref, je sais ben que tu n'as pas que ça à faire, lire ma vie avant ma vie, lecteur impatient que j'en vienne à mon sujet, (ben non, je n'y suis pas encore... Je suis encore dans l'intro. Tu peux comprendre que moi, les travaux longs, je m'y sentais à l'aise!) les médecins ont découvert un deuxième placenta dans le ventre de ma mère, quelques jours après ma naissance, après que ma mère ait saigné, hémorragiquement parlant, tout le sang de son corps. Ils lui ont expliqué qu'il y avait eu un deuxième fœtus. J'avais donc vécu jusqu'à ma naissance avec mon jumeau mort! (Ou du moins avec son placenta, mais la phrase est plus forte si je la dis comme ça...)


Il n'en fallait pas moins pour que ma prof de psycho me trouve soudainement extraordinairement intéressante et me questionne publiquement : "As-tu toujours trouvé qu'il te manquait quelque chose?"


Il n'en fallait pas moins non plus pour que mon imagination s'emballe, trouve un nom à ce jumeau mort et le culpabilise pour toutes les fois où la vie m'avait fait une jambette ou un clin d'oeil. Ces nombreuses fois, quand j'étais petite, où je pensais à quelqu'un juste avant de le rencontrer par hasard. Cette fois où je me suis râpé le côté gauche du corps sur l'asphalte en rollers juste après m'être dit que finalement, j'étais bonne en rollers. Cette autre fois où juste avant de grimper en sens inverse sur le mur central de Du Vallon, mon cerveau avait eu la brillante idée de trouver que je conduisais bien. Ou encore, la fois où, jadis, époque où les cellulaires n'appartenaient qu'aux riches dealers de drogue - les autres se contentant des pagettes - j'avais vraiment eu besoin d'appeler en faisant l'épicerie et m'étais répété tout le long des longues rangées du Maxi, qu'un cellulaire, ça aurait tellement été pratique, que j'aurais pu appeler en marchant, que j'aurais assouvi immédiatement mon besoin immédiat et qu'il aurait donc été pratique... avant de trouver, au fond du panier, camouflé entre un avocat et une carotte... un cellulaire! Perdu, probablement... Ou APPARU juste avec la force de ma pensée!!! Cette fois aussi, où je suis montée chez ma vieille voisine d'en haut à 8 heures du matin, sous prétexte que j'avais entendu un bruit sourd dont la provenance m'était inconnue et que personne d'autre que moi n'avait entendu. J'avais cogné dans sa porte d'en arrière. J'avais cogné dans sa porte d'en avant sous l'œil découragé de mon ex qui tentait de me convaincre qu'ils étaient partis. J'avais cogné de façon un peu trop insistante malgré ses protestations. J'avais même appelé la police après qu'il ait décidé que j'étais folle et qu'il allait déjeuner paisiblement, lui. Je parlais au 911 quand j'ai entendu ma vieille voisine geindre. Elle bredouillait des incohérences. Ça lui a pris 15 minutes pour ramper sur le sol et venir débarrer la porte. Ses 70 livres d'os s'étaient effondrées sur le tapis commercial imprégné d'une odeur d'humidité et de vieux pipi, lui fendant le crâne garni d'une chevelure qui ressemblait étrangement à un seul gros rasta qu'on avait envie de laver et de brosser pour lui redonner un peu de jeunesse. La police m'a remerciée. Elle aussi, plus tard.


Et toutes ces autres fois où j'ai trouvé la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Et celles aussi parfois où c'était moi, la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Je me demande.


Je me demande beaucoup. Parce qu'en bonne athée que je suis, je n'aime pas qu'on ait inventé l'existence d'une divinité pour expliquer l'inexplicable. Mais reste qu'il y en a beaucoup, d'inexplicable. Certains appellent ça le hasard, la coïncidence. D'autres, la Vie. D'autres encore parlent d'anges gardiens. Moi, j'aime bien mettre tout ça sur le dos de mon jumeau. Parce que c'est drôle. Et parce que j'aurais bien aimé qu'il vive pour lui mettre sur le dos la fois où j'avais cassé ma banque en céramique parce que j'incrédulisais devant l'évidence qu'elle se casserait si je la laissais tomber sur le plancher de ma chambre. Pis aussi un peu parce que j'aime bien penser que j'ai quand même grandi avec lui. Comme avant ma naissance.


C'est peut-être, après tout, ma façon à moi de faire en sorte qu'il ne m'ait pas toujours manqué quelque chose.





lundi 14 juillet 2014

Toi qui n'as pas de graines de muffin dans le fond de ton char

Toi, lecteur indécis qui ne sait pas s'il aura des enfants. Toi qui as encore le temps d'y réfléchir. Toi qui branles dans le manche. (Non, mais, ça vient d'où, cette expression-là?!?) Toi qui vas au festival d'été sans te soucier d'apporter des lingettes humides ou des collations. Toi qui manges un bol de céréales, le soir, pour souper, quand t'as envie d'envoyer paître Ricardo. Toi, là, qui se lèves régulièrement au-delà de 7 heures le matin. Toi, oui, toi! J'ai quelques mots à te dire, avant que le manche se stabilise pis que t'arrêtes de branler d'dans. (!!!??!)


Des kids, c'est du temps plein.


Je le sais, que tu le sais, t'es pas un con! Je sais que tu sais que la nuit aussi, t'es le parent de ton enfant faque que c'est toi qui dois ramasser le pipi ou le vomi entre un rêve où Louis-Jean Cormier te demande en mariage et un autre dans lequel la fin du monde te force à empaler désespérément, pour ta survie, un chat nébuleusement atterri dans ton canot au moment où tu pensais sérieusement à te bouffer une main. Je sais ben que tu sais que le matin, tu peux pas le laisser mariner (ton kid! pas Louis-Jean. Ni le chat empalé.) dans son bol de lait renversé devant la télé que tu tentes tant bien que mal de lui ploguer pour t'accorder un sursis de quelques minutes de sommeil. Je sais que tu sais ben que tu vas devoir applaudir des bottés de marde au soccer. Je sais.


Ce que je ne sais pas si tu sais, c'est que plus tu investis d'énergie et de temps, avec des kids, plus c'est payant.


D'abord. Tsé, gérer une crise de 10 minutes, ça te demandera pratiquement autant d'énergie que d'aller t'entraîner une tite heure. En plus, tu devras ajouter à l'énergie dépensée un fort contrôle de toi-même, un sentiment d'incompétence parental et parfois même, si c'est devant public, une légère touche de honte. Et le pire, c'est que cette crise, tu la verras venir. Ton réflexe de défense sera naturellement de tout faire pour éviter cette dépense ridicule d'énergie. Parce qu'on s'entend : prendre 10 minutes dans la course folle du matin pour calmer les hurlements dramatiques de l'enfant qui n'a pas la bonne couleur de bobettes, c'est plutôt futile. Donc, en personne raisonnable que tu es, tu tenteras d'éviter la dépense inutile d'énergie. Mais tsé, quand la crise que tu n'auras pas réussi à éviter sera entamée, que les convulsions auront débuté, que l'écume sortira de la bouche rugissante de ton enfant au visage déformé par la rage de n'avoir pas de Nutella dans sa sandwiche, c'est là qu'un problème grave pourrait survenir : l'achat de la paix.


L'achat de la paix, c'est une façon de négocier les crises en donnant immédiatement à l'enfant ce qu'il veut pour éviter une dépense d'énergie qui semble stérile.


Mais non, lecteur à la liberté encore intacte. Non! C'est un piège! N'y tombe pas. Ne lui mets pas de Nutella en te disant que la prochaine fois, ça ne se passera pas comme ça!!!! Laisse-lui ses bobettes bleues et ne t'imagine pas que tu sauves du temps à lui mettre les rouge parce qu'il crie pour les avoir!!!! Phrase importante : l'énergie que tu ne dépenseras pas à ce moment, tu devras la dépenser de façon exponentielle plus tard, crois-moi.


Ensuite. Je sais ben que tu sais que le kid, il s'occupe pas toujours tout seul. Je sais que tu sais ben que tu devras passer du temps avec lui. Je sais que tu te dis, comme Stéphane Laporte, que dans ton temps, les kids de la rue jouaient ensemble pis que les parents ne s'en mêlaient pas. Et je dois t'avertir : jouer avec un enfant, c'est cool pendant un temps, mais ça fait son temps. Pis vient un temps où jouer te prend plus d'énergie que d'aller faire ton épicerie un 24 décembre en pleine tempête. (Pis des fois, en fait, t'as plus envie d'aller faire ton épicerie un 24 décembre dans la tempête.) Pis il faut que tu saches : texter pendant que son enfant joue, c'est bon pour son autonomie. C'est non négligeable. Mais c'est insuffisant. Jouer avec lui - à terre parfois, ben oui! - c'est bon pour ben d'autres tites affaires qui lui seront tout autant utiles que l'autonomie dans la vie : le langage, mettons. Les règles, aussi. Mais jouer à quatre pattes, je ne pense pas te l'apprendre, c'est moins agréable que de texter. (Pis si ton IPhone est mort noyé, tu peux même oublier ça.) Faque tu peux pas juste texter. Dommage. De toute façon, si tu t'installes confortablement pour relaxer quelques minutes, c'est bien connu : le verre que ta progéniture tient se renversera automatiquement ou le contenu de son assiette s'évanouira subitement sur le sol ou il aura fini son caca et te chantera de venir l'essuyer ou il aura probablement enduit la télé de crème solaire ou bedon il se sera coupé un bout de doigt avec les ciseaux qu'il aura dénichés dans le tiroir de la cuisine.


Par ailleurs, si tu choisis l'option "reproduction" :


Oublie les conversations ininterrompues.


Sache que ton char, peu importe son état actuel, est propre.


Le caca deviendra inévitablement un sujet de conversation.


Tu t'inquièteras pour le restant de tes jours.


Quand tu partiras 2 heures, tu auras l'impression de partir 2 semaines.


L'heure où tu sors dans les bars deviendra l'heure où tes partys se termineront.


Le café, c'est bon froid.


Le steak, c'est bon froid.


Faire pipi seul, c'est du passé.


Les vêtements (leur couleur, leur tissu, leur étiquette, leurs dessins, leurs rayures, leur longueur, leur grosseur de trou de tête, leurs taches, leur longueur de manches...) peuvent devenir source de conflit.


Si tu trouves que ta blonde change d'idée souvent, t'as rien vu.


Couper des ongles, mettre de la crème solaire et partir à la guerre ont quelque chose en commun.


C'est pas tout, mais c'est un bon départ. Je voulais que tu saches, lecteur qui ne connait pas encore le bon dosage d'Advil à donner à un kid de moins de 2 ans. Je ne pense pas t'avoir convaincu de te reproduire, je sais. Si tu veux des mots réconfortants, tu peux aller lire ceci ou bedon, ça, ou encore celui-là, ou lui, c'est encore mieux... ou ben lui, tu vas tomber sous le charme... Mais je voulais juste que tu saches. C'est facile d'idéaliser, de rêver, de s'imaginer, de s'inventer une réalité, d'emmieuter, de se leurrer, de fabuler, de nier les difficultés. Mais dans la réalité, me semble qu'on ne peut pas tant que ça se tromper. Encore moins faire les choses à moitié.


Les kids, c'est le plus beau défi d'une vie. Mais un défi, on ne le relève jamais sans un peu de broue dans l'toupet.


Faque ton courage, attache-le dans ta tuque avec d'la broche, pis lance-toi tête première et yeux ouverts. T'es capable, même si c'est pas facile.





mercredi 9 juillet 2014

Québécois, je t'aime

On dit que ce qui se passe à Cuba, reste à Cuba. Il m'est alors impossible de partager avec toi, lecteur jaloux, certaines de mes réflexions de bord de mer arrosées de drinks trop sucrés et d'eau trop salée. Tu ne connaîtras donc pas toutes ces interminables et inévitables discussions autour de la texture de nos selles qui allègent invariablement le niveau de langage de chacun de mes voyages. Je ne te raconterai pas non plus de long en large la protubérance sur le mur du resto de fruits de mer qui ressemblait étrangement à un énorme vagin que deux immenses mains auraient ouvert, ni la brillante idée que nous avons eue d'y glisser notre tête pour simuler notre naissance. Tu ne pourras pas rire des nombreux jeux de mots que nous avons ensuite créés avec "noune" puisque noune sommes pas autorisées à les rapporter de là-bas. Tu ne liras pas l'histoire de notre porte qui n'ouvrait plus et des 4 balcons du premier étage que j'ai dû traverser telle Spiderman, au grand désespoir du personnel de l'hôtel qui jugeait cette mission téméraire et impossible, dans le but vénérable de réussir à ouvrir notre porte-patio et ainsi sauver notre soirée et tooooooute notre avant-midi de plage du lendemain. Je ne pourrai malheureusement pas non plus te parler des longues soirées pleines d'étoiles et de lunes orange, ni de tout ce temps qu'on regardait passer, ni du bonheur à n'avoir, pour une semaine, aucune bouche à essuyer, aucun petit corps à coucher, aucune larme à consoler, aucun chiâlage à calmer lors de la séance d'épandage de crème solaire. Il n'est surtout pas question d'aborder le sujet du regard affamé des Cubains, ni de leurs trop nombreux compliments et encore moins des quelques propositions de mariage lancées avec la même légèreté chaque fois et à chaque fille. 

Non. De tout ça, je ne peux pas en discuter.

Par contre, j'avais envie de t'avouer une chose, lecteur envieux. Ça me démangeait de te la partager puisque trop souvent, on la tait. J'ai beaucoup pensé à toi, Québécois, et je dois te dire que, vraiment, viscéralement : JE T'AIME.

Je t'aime parce que la femme, tu te gardes une tite gêne, quand tu la regardes. Je t'aime pour ce respect qui t'empêche de lui dévorer le corps des yeux, même si cette envie peut être flatteuse pour elle, parfois.  Je t'aime pour cette intensité que tu ne distribues pas aléatoirement, à la première venue. Je t'aime puisque malgré que tu ne danses pas si bien, tu sais néanmoins t'amuser. Je t'aime parce que je peux avoir de longues conversations avec toi sans sentir que je te dois une baise ou une fellation. Je t'aime parce que tu choisis précautionneusement celle que tu demandes en mariage. Parce que tu n'as pas le compliment volage. Je t'aime, Québécois,  parce que tu aimes assez la Québécoise pour te forcer à regarder qui elle est, pas juste dans son décolleté.

Merci, Québec, de me permettre de côtoyer des hommes qui savent à la fois désirer et respecter.

Québécois, you rock! (Mais tu pourrais quand même un peu apprendre à danser...)