dimanche 12 janvier 2014

À la recherche du OUMF perdu

6h15, Stoneham, dans la chambre d'en bas.

- Ma tite vache a mal aux pattes, tirons-la, par la queue, elle ira bien mieux, dans un jour ou deux... Maman?... (Temps d'attente, pour voir si sa comptine a bien joué son rôle d'alarme de cadran qu'on a juste envie de snoozer, un samedi matin, lendemain de sushis-martinis-finalement-virés-en-vodka-jus-de-tits-fruits-parce-que-j'avais-oublié-mon-soho.) Mamaaaaaaaaaaaaan? ...Ma tite vache a mal aux pattes, tirons-la, par la queue, elle ira bien mieux, dans un jour ou deux... Mamaaaaaaaaaaaan?????? (La voix monte d'un cran, elle se fait insistante, perceptiblement plus agaçante.) Maaaaaaaaamaaaaaaaaaaaaaan????? C'est où, nulle part, mamaaaaaaaaaaaaan? C'est tu proche de Stoneham? Maaaaaaaaaamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan???????? (La voix, cette fois, me poignarde amoureusement les tympans.)

- Oli, il fait encore noir. Ferme tes yeux, marmonne-je, sans grand espoir.


6h15, Stoneham, dans la chambre d'en haut.

- MAAAAAAMAAAAAAAAAAAN!!!!!!! (La voix, stridente, est paniquée, les petits yeux sont exorbités, le doigt pointe le coin du mur vide.) UNE ARAAAAAIGNÉÉÉÉÉE!!! (Tit-Loup est recroquevillé derrière son oreiller, tapi comme un lapin traqué par un renard argenté.) (Le renard argenté, il les bouffe tu les lapins?) (Pis c'est quoi, au juste, la distinction entre le lièvre et le lapin, je l'ai jamais su!) LÀ!!!! LÀ!!!! MAMAAAAAN!!! L'ARAIGNÉÉÉÉÉÉE!!!

- Ben non, Tit-Loup, tu fais un cauchemar. Il fait encore noir, fais dodo, chuchote-t-elle, encore dans le brouillard du sommeil que son fils lui a fait quitter.

Elle, c'est ma chum. C'est dans son sous-sol que ma marmaille et moi - surtout moi! - tentons de dormir. La journée commence trop tôt, pour elle comme pour moi : pain doré, verres de jus, café, expériences scientifiques visant à transformer un dedans de couche en neige artificielle (j'te jure, lecteur incrédule!) et en fusée une poche de thé vide (oui, oui!), création de cup-cakes mauves avec leur crémage multicolore, diner, ramassage, sieste de la marmaille, départ avorté vers Québec parce que l'entrée pentue - pour ne pas dire le précipice en face de chez elle - est aussi glacée qu'un beigne au miel chez Krispy Kream, retour des bagages dans la chambre du sous-sol, souper, avions en papier, crise d'enfants fatigués, douches, histoire, dodo.

- OUF! soupirons-nous, exténuées, en nous pitchant sur la vaisselle qui traine et les avions en papier qui jonchent le plancher.

Le OUF, c'est lui qui a pris la place dudit OUMF disparu. Mais il importe d'abord, d'emblée, de te définir, lecteur désorienté, ce qu'est ce OUMF que nous cherchons. Le OUMF, c'est la fois où, comme deux folles, nous avons arrêté la voiture sous une pluie diluvienne pour danser dans les trous d'eau et ensuite quémander des sacs de plastique à un gars sur son balcon dans le but de ne pas noyer mes bancs d'auto. Le OUMF, c'est la fois où, à St-Tite-des-Caps, nous avons cogné à la porte d'un fermier pour lui demander si on pouvait emprunter son champ, le temps d'un coucher de soleil. Le OUMF, c'est la fois où l'on a relevé le défi de monter le plus haut possible dans le château Frontenac, sans carte d'accès. C'est aussi la fois où, rendues à Baie Ste-Catherine, nous avons repris le traversier parce que nous avions une soudaine envie de prolonger nos vacances à Tadoussac. Pis la fois où l'on avait tellement hâte à l'été pour faire du camping qu'on avait fini par coucher avec nos sleepings, dans mon char. Dans le stationnement. Avec nos tuques. Le OUMF, c'est le démarreur du moteur. L'énergie qui propulse le corps dans n'importe quelle aventure rocambolesque dont l'esprit se souviendra invariablement.

Mais il est rendu où, ce OUMF, qu'on se demande, effouérées dans le divan, après avoir dépensé le peu d'énergie qu'il nous restait dans l'essuyage des verres? Il nous semble ne pas l'avoir vu depuis un bon boute. Est-il mort? Ou a-t-il simplement vieilli un peu? Il est plus occupé, ça c'est certain. Il a moins de temps. Il manque de sommeil aussi. Il a un agenda chargé, il court partout! Il a des nez à hydrasenser, maintenant. Il a des cours de gym le samedi matin. Il se lève la nuit pour réconforter. Pis il a des bobos à béquer, des cris à calmer, des pistes de courses à monter, des princesses à sauver, des pirates à attaquer, des trésors à dénicher, des courses d'auto à remporter, des pouliches à peigner... Et c'est là que le OUF fait son entrée, sournoisement. Et le OUF nous essouffle. Et le OUF nous pantoufle. Et parfois même, le OUF nous étouffe. Pourtant, avachies dans le salon de Stoneham, le quatre pattes cloutées pogné en haut de la pente de la montagne qui sert d'entrée de maison, nous nous acharnons à croire en la réincarnation du OUMF, ma chum et moi. Parce qu'au fond, quand on regarde ça d'un oeil objectif, c'est juste le M qui a foutu le camp pour laisser la place à OUF. C'est dire qu'il n'est pas si loin, qu'il peut revenir. S'agit simplement de trouver le M... M comme marmaille. M comme matante aussi un peu. M comme mère surtout. M, juste un peu trop occupé à construire des fusées en poche de thé devant huit pupilles ébahies et à plier des avions en papier. À s'occuper des autres petits nombrils de nos vies. Des petits nombrils qui nous prennent tout notre OUMF parce qu'ils en ont tellement, eux!

On s'en ennuie, incrustées dans les coussins du sofa, de notre OUMF. Mais le OUF n'est pas si pire que ça non plus. Il est, comment dire, un peu moins égocentrique que le OUMF. Sans contredit un peu plus prenant, un peu plus organisé. Pour ne pas dire parfois astreignant. Mais tout autant spontané, divertissant, hilarant, valorisant, déstabilisant. Pis tsé, honnêtement, même en luttant contre le sommeil avec notre doudou dans le divan de Stoneham tout en regardant le verglas verglacer, on ne l'échangerait pour rien au monde, notre OUF. Tant qu'il travaille pour une bonne cause.

Bref, OUMF, prends ton temps. On te prendra quand tu reviendras. Pour l'instant, on va se contenter d'une dose de OUM pour se calmer et profiter de ce OUF qui, lui, ne reviendra pas.

(Merci, ma chum, pour cette soirée d'écriture si... essOUFflante! )



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