lundi 3 mars 2014

Ceux-là

Minuit, 31 décembre 2006.
Mexique.


L'ambiance est festive. Des feux sont allumés un peu partout sur la plage et dans les yeux de ceux qui dansent. La mer, ses vagues, la musique, le sable, des corps bronzés... trame de fond parfaite pour défoncer une année.


Pourtant, je suis assise un peu en retrait, moi qui ai plutôt l'habitude de crier ma vie aussi fort que le moment l'est, et je regarde la lune qui vole quelques centimètres au-dessus de la ligne d'horizon que je vois trop rarement. J'ai encore mon paréo sur la tête, celui qui me permettait, quelques minutes auparavant, d'imiter un gourou de secte à l'accent espagnol douteux pour faire rire mes amis de fortune avec qui je découvre Puerto Escondido et ses noix de coco qui donnent la chiasse.


Je suis assise un peu en retrait parce que je semble être la seule à qui il manque quelque chose. Sur ma scène, j'ai choisi le décor parfait. Je suis perfectionniste, lecteur berné par le bordel de mon bureau à l'école. Et j'aime les détails : la lune est presque pleine, la tite broue des vagues pétille sur mes orteils, l'air est doux. Avoue, lecteur tanné des -40 degrés, que tu as envie d'y être avec moi.


Malgré tout, affirmais-je, il me manque quelque chose. Le décor est merveilleusement monté, mais la pièce n'est pas à son apogée.


Il manque les acteurs. Ces amis avec qui j'aime jouer. Mes amis. Ceux qui crient parfois aussi fort que moi et ces autres qui me modèrent. Ceux avec qui j'ai souvent dépassé des limites sans me faire juger. Ceux avec qui on fait des concours de gomme balloune avec un kodak à trois heures du matin. Ceux à qui on sort vainement nos techniques de respiration d'accouchement pour leur éviter de tomber dans les pommes au show de Ben Harper. Ceux avec qui on fait fondre l'asphalte en faisant un feu impromptu dans la cour arrière d'un appart. Ceux avec qui on écoute du Loco Locass sur repeat perdus en forêt. Ceux qui acceptent de porter des chapeaux de cowboys avec nous. Ceux avec qui on chante trop fort des (mauvaises) tounes inventées sur des airs connus. Ceux à qui on remplit le sac d'école de confettis, on enveloppe le bureau de papier alu, on accroche des banderoles pendant leur absence, on envoie des messages de freaking lutins à Noël. Ceux avec qui on peut ne rien faire pis avoir du fun quand même. Ceux avec qui on parachute, on rafte, on campe, on danse, on dérange, on pleure, on bouffe - trop -, on boit - trop - pis on rit - trop.  Ceux qui parfois nous disent qu'on a raison d'être en crisse. Ceux, parfois, à qui on dit qu'ils ont raison d'être en crisse.


Ceux qui font de ma vie la meilleure pièce de théâtre ever.


Ceux sans qui même le décor le plus enchanteur ne vaut rien.





Aucun commentaire:

Publier un commentaire