mardi 20 mai 2014

Fucking Four




Quatre ans. Le temps d'une respiration. Ou une éternité, selon les perceptions. 


Quatre ans, déjà (j'parle comme les vieilles, je sais...), qu'il est né, mon fils. Quatre ans, déjà, qu'une petite boule de vie m'a appris qu'il y a plus de place que je croyais dans la mienne. Parce que pour en prendre, de la place, il en prend. Pas question que sa place ne prenne pas assez de place.


Quatre ans, qu'il a, mon fils, donc. Il devait se calmer le Terrible Two avant d'entamer le Fucking Four, mais il a oublié. Ou bedon je ne l'ai pas remarqué.


Pourtant, avec lui était née une certitude : celle que je l'aimerais. Pour toujours. (Il est rare qu'on puisse employer ce mot-là, toujours. Il est trop gros, généralement. Trop puissant. Trop fort. Tellement qu'on en a peur!) Donc, pérorais-je, je savais que je l'aimerais, ce nouvel humain.


Maaaaaais (parce qu'il y en a un!), je ne connaissais pas les obstacles qui allaient se dresser devant cet amour de mère encore frais, galopant sous le soleil de mai à travers les pissenlits.


Je ne savais pas encore qu'un jour, il beurrerait son lit avec son caca avant de me rire dans la face quand j'irais le chicaner.


Je ne me doutais pas qu'avant même de mesurer un mètre, il cracherait par terre en me regardant dans les yeux, alors que je venais de le sommer de ramasser la bave visqueuse qu'il avait déjà projetée sur le sol quelques secondes plus tôt.


Je n'avais aucune idée qu'il passerait les longues heures de nos premiers voyages en Gaspésie, à Tadoussac et à Gougounequit à hurler dans la voiture, épuisant ainsi les minuscules réserves de patience que j'avais mises de côté pour la route et réduisant à néant l'effet des Advil sur ma migraine fulgurante.


Je ne pensais pas qu'un jour, il puisse patiner à la grandeur du salon avec deux DVD loués sous les pieds.


Je ne croyais pas un jour avoir à m'obstiner quotidiennement pour le design des bas, les coutures de bobettes, des étiquettes de pantalons, le sens des chandails, la force du push-push de la crème solaire, le goût de la pâte à dent, la couleur des verres, la longueur des fourchettes, le roulage des manches, la forme du découpage des toasts, la longueur de la boucle du soulier, la technique d'épandage de la doudou sur l'oreiller, le nombre de becs, la quantité de tites autos dans le lit, les moments d'aller pisser, de dormir, de manger, de pu manger, de boire, pu boire, jouer, pu jouer, courir, pu courir...


Il m'était impossible d'imaginer le nombre incalculable de "caca" et de "pénis" qui puissent être répétés en une seule journée malgré mes protestations.


Il a besoin de place, mon petit humain. Il a besoin d'une place, parfois n'importe quelle, même si elle n'est pas la meilleure. Et il est tenace, mon garçon. Mais il n'est pas le seul. Je n'en ferai pas un p'tit crisse, crois-moi, lecteur-partiellement-découragé-d'avoir-un-jour-des-kids. Je suis la seule qui puisse l'aimer autant malgré tout. Alors je l'aimerai. De toute ma patience, je l'aimerai. Avec toute ma fermeté, je l'aimerai. Assez pour ne pas le laisser prendre une place de marde, question qu'il puisse voir le show qui passe et qui passe trop vite. De toute ma solidité, je l'aimerai. Je l'aimerai inconditionnellement. Assez pour qu'il finisse lui aussi par s'aimer assez. Et finalement, malgré son entêtement et à cause du mien, ma certitude restera une certitude.


Pour toujours.


...Pis quand il aura oublié de prendre un break entre le Fucking Four et l'adolescence, je t'écrirai un autre texte, lecteur loyal.



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