samedi 22 février 2014

Iousse qu'y va, le monde?

Vendredi matin. 
3 heures de sommeil.
Pédago et café.

Quelques policiers (humm...!) et leur commandant au physique imposant viennent nous former, mes collègues et moi, sur les mesures à prendre lorsqu'un tireur entre dans une école. Pour l'occasion, j'ai trainé mon gun à eau vert fluo. Concept.

Depuis Denis Lortie en 1984, les médias nous mitraillent (désolée, lecteur insurgé, ce n'est que turlupinade, ce mot, dans ce contexte, je sais...)les médias nous mitraillent, disais-je, d'événements dramatiques, mortels, tous symptomatiques d'une société malade. La nôtre.

Depuis le début du millénaire, il ne passe pas une année sans qu'une école ne soit visitée par un tueur (https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_en_milieu_scolaire), l'année 2012 battant des records d'indignation avec sa tuerie à l'école primaire de Sandy Hook causant 28 morts dont 20 enfants.

Les raisons de ces massacres varient. Elles ne sont, à ma connaissance, ni politiques ni économiques. Elles apparaissent la plupart du temps plutôt personnelles. Parfois, elles sont inconnues. Pourtant, les tueurs semblent tous avoir quelque chose en commun.

La haine.

Bon. Je ne m'attends pas à recevoir un doctorat en sociologie pour cette découverte, je ne crois plus aux pouliches, tu le sais, lecteur accoutumé. N'empêche qu'on peut bien accuser les Internet, la musique et l'accès aux armes à feu, mais s'il n'y avait pas la haine, la vraie, la grande, LA haine, il n'y aurait pas d'abattoir. 

Quand c'est loin, c'est facile de s'insurger sans se sentir concerné.
Quand c'est aux États-Unis, c'est facile de les trouver cons.
Quand ça se rapproche, ça devient un peu moins facile.
Quand le policier t'en parle dans ton école, c'est encore possible de te persuader que ça n'arrivera pas.
Mais quand tu es seule, devant ta classe, à te questionner sur la meilleure façon d'y confiner 32 vies, ça devient un peu plus réel.

J'en connais, moi, des élèves haineux. Des parents aussi. Des gens.

Et les scénarios se bousculent parce que l'imagination est un terreau fertile et que la graine était déjà semée depuis longtemps et qu'on vient tout juste de l'arroser, de s'assurer qu'elle a du soleil. On a même mis un peu d'engrais. Et la scène se forme. Et les réactions semblent un peu plus concrètes. Les visages. Les yeux. Et les cris. Les pleurs. Le bruit des bureaux, des chaises. Et la peur qui croît. La panique qu'il faut contrôler. Et le sang peut-être. L'incompréhension ensuite. Les dégâts. Et là, il faut convaincre son cerveau que les risques sont minimes. Que ce n'est qu'une préparation mentale. Que l'image ne sert qu'à savoir quoi faire, comme lors d'une pratique de feu. Sauf que le feu, lui, il n'a pas pris la décision de tuer des gens. Il n'est que ce qu'il est, c'est tout. Il détruit comme il peut sauver une vie. Mais l'homme, lui, il tire et il sait. Il sait la douleur. Il sait la peur. Il sait la mort. Et il les choisit.

C'est quand ma tête déraille et assied mes enfants dans cette même classe où il faut confiner 32 vies que je disjoncte. Je peux me placer dans cette situation. J'assume. Mais pas mes enfants.

Et moi qui ai toujours exécré ces phénomènes de phobie sociale, moi qui n'ai pas voulu faire vacciner ma fille et mon foetus lors de la folie H1N1, moi qui ai toujours ri des États-Unis et de leurs détecteurs de métal dans les écoles, moi qui les traite de névrosés paranoïaques en les contemplant s'armer pour se protéger, moi qui étais persuadée que le virus du Nil était le fruit d'un mythomane, moi qui ai toujours été convaincue qu'un peuple qui a peur est un peuple soumis, moi, cette même moi, en pensant à mes enfants assis dans cette classe, cette bibliothèque ou cette cafétéria, je fonds, je m'écroule, je court-circuite : construisons des écoles anti-balles, enfermons tous les impulsifs, abolissons la haine à coup de pilules du bonheur, installons des caméras de surveillance dans toutes les maisons, barricadons-nous, protégeons-nous ou sauvons-nous!!!!

Et là, je convaincs mon cerveau de se calmer le terreau, il faut le mettre en jachère quelques minutes.

Et je me demande iousse qu'y va le monde. 
Et par iousse qu'il faut aller, pour ne pas aller là où il va?
Iousse qu'y va, le monde, qu'on puisse l'éviter, lui pis sa grosse gastro généralisée?
Iousse qu'y va, le monde, question qu'on le sache et qu'on puisse s'en aller à l'opposé?





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