mardi 1 avril 2014

Ces mots


Ils transportent, emportent, enivrent. Ils parlent, jurent, rassurent. Ils évoquent, crient, hurlent. Ils aiment ou assassinent. Ils font rougir, blêmir, rire, déprimer, croire et douter, perdre, gagner, rêver, mépriser, rester ou tout quitter. Ils rendent confiant, fou, amoureux, amoureux fou. Ils salissent, contrôlent, découragent et tuent.


Ils dépassent la pensée, parfois. Parlent sans penser. Il faut les peser. Fouiller, chercher les bons. Ceux qui ont le bon poids, la lourdeur ajustée. Ceux qui ont les bons sons, la bonne signification. Le bon sens, du gros bon sens, ceux qui provoquent la bonne sensation. Ceux qui sonnent, résonnent et donnent un sens à ma... oups, je m'égare, lecteur dérouté, ce ne sont pas les miens, ceux-là.


Je les aime crus. Drus. Efficaces. Je les aime doux. Passionnés. Ardents. Je les aime beaux. Je les aime vrais.


Certains déchirent, blessent. D'autres consolent, bercent.


Pourtant, invariablement, je les aime lents. J'aime qu'ils prennent leur temps. Je les préfère réfléchis, assurément. Les mots sous pression, très peu pour moi. Je les préfère préparés, bien habillés et coiffés. J'aime qu'on les ait cultivés, mijotés, prémédités. Je les aime bien apprêtés, pas pressés.


On les garoche pourtant trop souvent. Comme s'ils étaient sans importance : un vieux bas puant trainant auquel on ne touche que du bout des doigts. Et on les échappe. On heurte invariablement. On les encaisse, on les digère amèrement. On les nie. On les ressasse. On les tourne dans tous les sens. Et parfois même, on les ramasse. On les repasse un peu et on les relance.


Et c'est pourquoi je les écris, parce qu'ils sont alors mieux choisis. Il faut prendre le temps pour les lire, eux qui ont pris le leur pour s'écrire.



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