vendredi 27 juin 2014

Le chum de ma fille

Attablées, nous jasons. Comme les filles que nous sommes. Nos mots passent du plat qu'il y a devant nous à l'année scolaire qui vient de s'éteindre, du nom des amis de l'année scolaire déjà derrière les deux gamines aux joues pleines de soleil aux projets de vacances des deux enseignantes qui viennent de boire leur dernier verre avec leurs collègues. Nos mots sont légers, estivaux.


Tout à coup, alors que je ne m'y attendais pas, sans crier gare, comme un cheveu sur la soupe, au moment où je n'aurais jamais cru la chose possible, soudainement, de façon impromptue, ma fille, fraichement sortie de la maternelle, ma fille, celle-là même à qui je tresse les cheveux chaque matin, ma fille, dis-je, m'annonce qu'elle a... un amoureux!


Glup.


Il a même un nom. Il n'est pas fictif. Elle l'avait invité, à sa fête. Il faisait rire tout le monde. Elle dit qu'elle l'aime bien parce qu'il la fait rire. Mais qu'il n'écoute pas toujours le prof à l'école.


Re-glup.


Elle avoue ne pas penser pouvoir passer toute sa vie avec lui. Parce qu'il lui en reste long à vivre. Elle m'assure lui avoir confié qu'elle l'aime bien. Mais refuse de me répéter les mots qu'elle lui a dits.


Re-re-glup.


J'ai ti manqué un boute moi? Hier, elle apprenait à lire. En sommes-nous déjà à l'inscrire à l'université? Faut ti j'aille mégasiner les condoms moi là?!?


- Ah ben viarge! Ma fille qui a un chum!
- Ben là, quoi? Toi aussi t'en as un, chum! qu'elle réplique!


RE-RE-RE-GLUP!!!! (Et fuite précipitée vers la salle de bain pour essuyer la grosse goutte de l'œuf bénédictine qui a dégouliné sur le flamand rose de ma camisole pendant que j'avais la bouche grande ouverte de béatitude!)


Alors voilà. J'y suis. Je rédige mes conseils de mère à sa fille qui vient de se faire un chum.




1- Continue ta vie. Pendant les six longues premières années de ta vie (glup!), il n'était pas là, et tu étais heureuse, tu te souviens? Intègre-le dans ta vie, mais ne la change pas complètement. S'il prend toute la place, son absence créera un vide si grand qu'il sera difficile à combler.


2- Ne fais pas semblant. Tu es si belle. Je ne parle pas ici de tes grands yeux noisette ou de tes cheveux de sirène. Nenon. C'est de toi dont je parle. De ce que tu ES. De ta bonne humeur, de ta curiosité, de ton énergie, de ton calme, de ta générosité, de ton espièglerie. Ne fais pas semblant d'être ce que tu n'es pas ; tu n'en as pas besoin. Il y en aura toujours, des filles plus, des filles moins. Des filles qui sont ce que tu n'es pas. Et tu ne deviendras pas comme elles, parce que c'est toi que tu es. Et tu es belle comme ça.


3- Parle. Avec tes amies. Avec ta mère, surtout. Ton père, aussi. Tes grand-mères, ta marraine, tes grands-pères... (mais bon, honnêtement, oublie ton parrain. Lui, il pourrait être de mauvais conseil en amour...) (Pis le savais-tu, toi, qu'on écrit "grand" au singulier devant "mères" et au pluriel devant "pères"? Explication.) Bref, quand tu te poses des questions, parle. C'est mauvais de rester dans ton coin à ruminer. Pis ce qu'on garde en dedans finit par pourrir et par puer. Toi seule prendras tes décisions, mais parle. Et écoute.


4- Tu n'es la mère de personne encore. (Dis-moi que je n'ai pas manqué un si long boute!?) Choisis un gars solide. Auquel tu n'auras pas à dire de faire son lit. Qui se lave les oreilles. Qui ouvre les portes, c'est cute. Qui tue les guêpes. Qui sent bon. Qui se coupe les ongles et se brosse les dents. Pis, bon, présentement, je me contenterais d'un gars qui ne fait plus pipi dans ses culottes, mais bah... Vois à ce qu'il ait atteint un niveau de maturité acceptable versus son âge, mettons. J'imagine que de te parler de paiements d'appart, de carte de crédit, de lavage, de compte de cellulaire, ou juste de cellulaire serait complètement superflu. On en reparlera.


5- Ne t'empêche jamais de péter ou de roter. Mais rigole ensuite.


6- Ris. Si tu ne ris plus, pars.


7- La jalousie, ça tue. Fais confiance. Mais s'il aime trop les autres filles, c'est qu'il ne t'aime pas assez. Pars.


8- Aime-toi. Avant de l'aimer, aime-toi. C'est plus facile d'aimer quelqu'un qui s'aime. Et si un jour il ne t'aime plus (je sais, ce n'est même pas envisageable! Mais envisageons donc l'inenvisageable! Just in case...), il y aura toujours ben au moins toi qui t'aimeras. Pis moi. Tsé ben!


9- Pis tsé, je t'en ai déjà parlé : aimer, c'est parfois douloureux, mais jamais autant qu'haïr. Faque aime donc, ma fille, aime en masse.



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