samedi 7 septembre 2013

Guide d'intégration du nouveau collègue

Dans les coulisses de la rentrée scolaire règne un grabuge dissipé de profs qui n'ont pas encore leur horaire, qui se retrouvent avec trois locaux sur deux étages, qui n'ont pas leurs listes d'élèves, dont le local n'est pas prêt, qui cherchent les dictionnaires qui sont disparus, qui doivent placer dans des petites cases 580 minutes en dehors des heures de cours, qui grapillent quelques renseignements sur leurs nouveaux élèves, qui planifient, organisent, chialent, rient, courent, stressent, placottent, paniquent... Bref, après deux mois de calme, nos corridors bourdonnent d'abeilles ayant butiné un vieux Red Bull au soleil.

Dans les coulisses de la rentrée, il y a aussi le précaire, membre d'une communauté considérablement abondante, qui aboutit, lui, la plupart du temps, dans une nouvelle ruche. Le précaire a su, quelques jours à peine avant les premières pédagos, où il travaillerait pour l'année. Le précaire doit bien souvent repartir de zéro, avec une nouvelle planif dans une école où il connait peu de gens et dans laquelle il a pratiquement tout à apprendre : le fonctionnement du photocopieur, les règlements, la prise d'absences et de retards, les sorties de classe, les appels aux parents... Certains s'en sortent mieux que d'autres. Cependant, j'ai remarqué qu'il y avait quelques règles à ne pas enfreindre pour favoriser son adaptation. Cette liste n'est pas exhaustive, évidemment. Je ne suis permanente que depuis peu... Mais j'ai le sens de l'observation et surtout, beaucoup de mémoire, vous verrez.

1- Ne cachez pas les clés du précaire, ce n'est pas un bon tour. Le précaire est habituellement pressé et totalement perdu.

2- Attendez au moins deux semaines avant de mettre des confettis dans sa boite de mouchoirs et dans ses tiroirs. Il ne vous connait pas encore. Il pourrait vous juger.

3- Ne demandez pas au précaire s'il sait quel examen il utilisera en juin prochain, quelle pondération il accordera à son examen de Noël ni même s'il a une activité spéciale pour l'Halloween. Parlez-lui plutôt de son premier cours, il sera plus loquace.

4- Dans la salle des profs, ne criez pas, après qu'il vous l'ait confié, que le précaire porte des suppositoires parce qu'il perd la voix la première semaine. Ce n'est pas drôle.

5- Attendez au moins trois semaines avant de parler au précaire de votre passion pour les licornes.

6- Ne saoulez pas le précaire lors du premier "sôcial" de l'école. Il a une image à bâtir.

7- N'entrez pas dans le premier cours du précaire en chantant avec des lunettes Imax sur le nez. Il a une crédibilité à bâtir.

8- Ne monologuez pas. Si le précaire ne vous regarde pas, écrit, lit ou court pendant que vous parlez, c'est qu'il ne vous trouve pas intéressant et qu'il a du travail à faire. Il a des cours à bâtir.

9- Quand le précaire vous demande où est l'ascenseur, ne l'envoyez pas au secrétariat. Ne mangez pas son lunch. Ne cachez pas ses craies. N'effacez pas sa réservation de projecteur. Ne volez pas son cahier de planif ni son agenda. Ce n'est pas drôle.

10- Ne volez pas le IPhone du précaire. C'est sa vie. Il est jeune, lui. Il en a encore une, vie.

11- Ne parlez pas au précaire avec une petite voix, un ton mielleux, les sourcils levés et un sourire exagéré. Malgré ce que vous en pensez, il n'est pas un enfant et ne croit plus aux pouliches.

12- Ne faites pas une photocopie de vos fesses devant le précaire.

13- Attendez quelques mois avant de lui avouer votre histoire d'amour avec votre rétroprojecteur. Le précaire a généralement l'esprit ouvert, mais on ne sait jamais.

14- Ne dansez pas sur son bureau pendant qu'il corrige. Portez un chandail et des souliers en tout temps. Ne criez pas son nom dans le télévox. Ne crevez pas ses pneus.

15- Ne subtilisez pas une copie d'élèves lors de son premier examen. Le précaire paniquerait.

16- Traitez le précaire comme une personne à part entière. Après tout, il le sera lui aussi, un jour.

Riez, amis précaires. Je vous aime, moi aussi.

1 commentaire:

  1. Je T'aime Marie-Luce!! Même si je suis encore précaire et que je le serai probablement à vie, je suis parfaitement en accord avec ce que tu as écrit! Sauf que si j'ai la chance ou plutôt le PRIVILÈGE de travailler de nouveau avec toi, j'espère que tu feras quelques drôleries que tu as mentionnées! Au nom de tous les précaires que tu connais: "MERCI!!!"

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